Pour continuer ma série sur l’histoire du canon biblique, je vous propose maintenant de découvrir la liste donnée par Augustin d’Hippone (354-430) dans son ouvrage La doctrine chrétienne.
J’ai recopié deux paragraphes, que je commenterai brièvement : un texte introductif et le canon à proprement parler.
Texte
Sera donc un investigateur très expert des divines Écritures, celui qui d’abord les aura lues en entier et en aura pris connaissance, sinon encore quant à leur sens, du moins déjà quant à leur texte. Il s’agit, bien entendu, des livres appelés canoniques. Car les autres il les lira avec plus de sécurité quand il sera armé de la foi en la vérité. Il évitera par là que ces écrits s’emparent par avance de son esprit faible, et le décevant par de dangereuses faussetés et chimères, ne lui donnent quelque préjugé contraire à une saine compréhension. Pour les livres canoniques, d’ailleurs, qu’il s’en remette à l’autorité de si nombreuses Eglises catholiques, parmi lesquelles se trouvent, sans aucun doute, celles qui ont eu le privilège de posséder les sièges des Apôtres et de recevoir leurs lettres. Voici donc la règle qu’il suivra, dans l’inventaire de ces livres. Ceux qui sont acceptés par l’ensemble des Eglises catholiques il les mettra avant ceux que certaines n’acceptent pas. D’autre part, au sujet des livres qui ne sont pas admis par toutes, il mettra ceux qui sont admis par les Eglises les plus nombreuses et les plus importantes avant ceux qu’admettent les Eglises moins nombreuses et de moindre autorité.
Enfin s’il trouve certains livres reçus par des Eglises plus nombreuses, et certains autres par des Eglises plus importantes, quoique cela puisse difficilement se produire, j’estime pourtant qu’il faut leur attribuer la même autorité.
Or le canon entier des Ecritures sur lequel, dis-je, porte l’examen que nous avons à faire, comprend les livres suivants.
Cinq de Moïse, c’est-à-dire la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, le livre de Jésus Navé (=Josué), un des Juges, un petit livre, intitulé Ruth, qui semble appartenir au commencement des Royaumes; ensuite quatre livres des Royaumes (= 1-2 Samuel et 1-2 Rois) et deux des Paralipomènes (=1-2 Chroniques) qui n’en sont pas la suite mais leur sont accolés, pour ainsi dire, et marchent de pair avec eux. Nous avons là le récit historique qui contient l‘enchaînement des époques et l’ordre des événements. Il y a d’autres livres, d’un type, pour ainsi dire, différent qui n’appartiennent pas à. cet ordre et n’ont pas de lien entre eux ; ce sont les livres de Job, de Tobie, d’Esther, de Judith; puis viennent les deux livres des Maccabées et les deux d’Esdras qui, eux, paraissent, continuer le récit historique dont la mise en ordre s’arrêtait aux Royaumes et aux Paralipomènes. Viennent ensuite les Prophètes, au nombre desquels se trouve un livre de David, les Psaumes, trois de Salomon, les Proverbes, le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiaste. Car ces deux autres livres dont un est la Sagesse, et l’autre l’Ecclésiastique, sont attribués à Salomon, en raison d’une certaine similitude avec les précédents; mais, en fait, selon une tradition constante, c’est Jésus Sirach qui les a écrits. On doit les compter toutefois parmi les ouvrages prophétiques, car leur prestige leur a valu de recevoir ce titre. Les autres de ces ouvrages, appelés proprement les Prophètes, sont, pris chacun à part, au nombre de douze mais comme ils n’ont jamais été séparés, on les prend pour un seul livre. Voici le nom de ces prophètes : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonias, Aggée, Zacharie, Malachie. Il y a ensuite les quatre livres des grands prophètes, Isaïe, Jérémie, Daniel, Ezéchiel. Cela fait quarante-quatre livres et là se termine le canon authentique de l’Ancien Testament.
Quant au Nouveau il comprend les quatre Evangiles, selon saint Matthieu, selon saint Marc, selon saint Luc, selon saint Jean; quatorze Épîtres de l’apôtre Paul une aux Romains; deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux Ephésiens, une aux Philippiens deux aux Thessaloniciens, une aux Colossiens, deux à Timothée, une à Tite, une à Philémon, aux Hébreux; deux épitres de Pierre, trois de Jean, une de Jacques ; le livre unique des Actes des Apôtres et le livre unique de l’Apocalypse de Jean. (1)
Commentaire
Pour authentifier la canonicité d’un écrit, Augustin se fonde sur le consensus des Eglises. Cependant, il est bien conscient des divergences qui peuvent exister entre les Eglises et proposent une hiérarchie dans les écrits admis :
- Ceux qui sont reconnus par tous
- Ceux qui sont reconnus par la majorité des Eglises
- Ceux qui sont reconnus par une minorité
Après cette explication théorique, il propose lui-même une liste, probablement celle en vigueur dans l’Afrique romaine de son temps.
On remarque que pour l’Ancien Testament, c’est une liste longue qui inclut notamment le Siracide, appelé ici l’Ecclésiastique, la Sagesse, les Maccabées, etc. Pour le Nouveau Testament, il reprend la liste des 27 livres déjà donnée par Athanase d’Alexandrie.
Note
Augustin d’Hippone, La doctrine chrétienne, II, 8,12-13.