C’était mieux avant ! Mythe de l’âge d’or et nostalgie du passé

Pour commencer cette série sur l’eschatologie, je vous propose de réviser trois postulats admis par beaucoup de chrétiens. Le premier, abordé dans cet article, est de croire que le monde va de pire en pire. Les deux autres seront présentés dans les deux prochains articles.

Lorsque certaines choses ne vont pas, il est tentant d’idéaliser le passé et de se dire «c’était mieux avant ! ». Mais est-on réellement objectif ? Je n’ai pas l’ambition d’apporter ici une réponse exhaustive, mais simplement de proposer quelques points de comparaison, qui pourront servir à la réflexion.

Eglise apostolique, Eglise idéale ?

Les chrétiens se plaignent souvent de l’Eglise actuelle, de ses dysfonctionnements. Pour résoudre ces problèmes, on s’imagine souvent qu’il faut retourner au modèle de «l’Eglise primitive». Le problème, c’est que cette Eglise primitive telle qu’elle est imaginée, est surtout imaginaire. Si l’Eglise primitive était si idéale, une bonne partie du Nouveau Testament n’existerait tout simplement pas, puisque la plupart des épîtres ont justement été écrites pour répondre à des dérives. Au contraire, sans rien cacher, la Bible nous dévoile tous les problèmes de cette Eglise, certains étant universels: débauche, querelles, divisions, et d’autres plus spécifiques à l’époque ancienne, comme la contrefaçon des documents apostoliques (2 Thessaloniciens 3 :17 et Apocalypse 22 :18-19).

La Bible

Parlons justement de la Bible. Vous savez lire et vous possédez 1 euro 50 ? Félicitations ! Vous avez tout ce qu’il faut pour découvrir la Bible par vous-même. Cette facilité d’accès à la Bible est devenue tellement habituelle, pour nous chrétiens occidentaux, que nous oublions qu’à l’échelle de l’histoire mondiale, et même européenne, c’est un privilège tout à fait exceptionnel. L’alphabétisation des masses est très récente. Il est intéressant de se rappeler que ce «sacré Charlemagne», qui «inventa l’école», n’a jamais su écrire. Il a fallu attendre l’invention de l’imprimerie pour que le livre ne soit plus un objet de luxe mais un bien accessible à tous, puis les lois scolaires de la Troisième République (fin du dix-neuvième siècle) pour permettre la scolarisation de tous les enfants.

L’espérance de vie

Profitons de cela pour faire une brève remarque sur le niveau de vie. Réfléchit-on souvent au fait que de nos jours, un «smicard» français a une meilleure espérance de vie qu’un roi de France au Moyen Age ? Les Capétiens, par exemple, qui ont régné de 987 à 1328, ont vécu en moyenne 44 ans et demi, tandis que les Valois, qui ont régné de 1328 à 1589, ont vécu en moyenne un peu moins de 44 ans (43,7). Aucun de ces rois n’a vécu plus de 60 ans. Par comparaison, on peut rappeler qu’aujourd’hui, en France, l’espérance de vie moyenne pour les hommes est de 78, 1 ans.

Les mœurs et la violence

Les journaux d’information nous rapportent continuellement des faits de violences. Cette surmédiatisation pourrait nous faire croire que les choses s’aggravent. Il n’en est rien. Le simple fait que cela nous choque, montre que ces faits sont exceptionnels. Il n’y a encore pas si longtemps de tels actes de violences étaient tout à fait banals. Jacques Rossiaud, dans une étude sur la ville de Dijon à la fin du Moyen Age, a par exemple montré qu’au moins un jeune sur deux avait participé à un viol collectif (1).

Les mentalités

Nos mentalités actuelles sont bien moins violentes que celles des hommes de l’Antiquité. Aujourd’hui, les gens sont choqués par les combats de chiens, alors qu’autrefois, pour se divertir, les Romains organisaient des combats de gladiateurs. Sans même remonter jusque là, il n’y a encore pas si longtemps, à l’époque moderne, les scènes de tortures publiques et d’exécutions étaient perçues par le peuple comme un divertissement.

Même les croyants d’autrefois agissaient de manière beaucoup plus violente. Il suffit de lire les premiers livres de l’Ancien Testament pour s’en rendre compte. Voici simplement deux exemples.

Lot et ses filles

Lot reçoit chez lui deux invités. Ses voisins apprenant cela se rassemblent et veulent violer ses invités. Pour éviter cela, Lot leur propose alors un échange:

« Voici, j’ai deux filles qui n’ont point connu d’homme ; je vous les amènerai dehors, et vous leur ferez ce qu’il vous plaira. Seulement, ne faites rien à ces hommes puisqu’ils sont venus à l’ombre de mon toit. »

Quel père aujourd’hui oserait dire cela ? Et pourtant il ne s’agit pas d’un païen mais de Lot « le juste » (2 Pierre 2 : 7)

Jephthé

Le deuxième exemple est celui de Jephthé qui promet à l’Eternel un sacrifice humain en cas de victoire :

« Jephthé fit un vœu à l’Eternel, et dit : Si tu livres entre mes mains les fils d’Ammon,quiconque sortira des portes de ma maison au-devant de moi, à mon heureux retour de chez les fils d’Ammon, sera consacré à l’Eternel, et je l’offrirai en holocauste. » Juges 11 : 30-31

Et qui, à cause de cela, a du sacrifier sa propre fille :

« Jephthé marcha contre les fils d’Ammon, et l’Eternel les livra entre ses mains. Il leur fit éprouver une très grande défaite, depuis Aroër jusque vers Minnith, espace qui renfermait vingt villes, et jusqu’à Abel-Keramim. Et les fils d’Ammon furent humiliés devant les enfants d’Israël. Jephthé retourna dans sa maison à Mitspa. Et voici, sa fille sortit au-devant de lui avec des tambourins et des danses. C’était son unique enfant ; il n’avait point de fils et point d’autre fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements, et dit : Ah ! ma fille ! tu me jettes dans l’abattement, tu es au nombre de ceux qui me troublent ! J’ai fait un vœu à l’Eternel, et je ne puis le révoquer. Elle lui dit : Mon père, si tu as fait un vœu à l’Eternel, traite-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, maintenant que l’Eternel t’a vengé de tes ennemis, des fils d’Ammon. Et elle dit à son père : Que ceci me soit accordé : laisse-moi libre pendant deux mois ! Je m’en irai, je descendrai dans les montagnes, et je pleurerai ma virginité avec mes compagnes. Il répondit : Va ! Et il la laissa libre pour deux mois. Elle s’en alla avec ses compagnes, et elle pleura sa virginité sur les montagnes. Au bout des deux mois, elle revint vers son père, et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait fait. » Juges 11 : 32-30

Et là encore, il ne s’agit pas d’un païen mais d’un croyant cité comme « héros de la foi » dans le Nouveau Testament (Hébreux 11 : 32)

C'était mieux avant 2

Le racisme et l’antisémitisme

Si le racisme et l’antisémitisme n’ont pas disparu, ils ne sont plus des valeurs acceptables. Ils sont d’une manière générale reprouvés par la société à tel point qu’aujourd’hui, même ceux qui sont réellement racistes ou antisémites le nieront. Ils trouveront d’autres termes ou expressions plus cachés. Au début du siècle, les choses étaient bien différentes. Pour faire sa publicité, le journal La Croix (2) se vantait d’être le journal le plus anti-juif.

Tout va bien ?

Evidemment, aujourd’hui, tout n’est pas idéal. Il est certain qu’il existe encore de nombreux problèmes, aussi bien dans le monde que dans l’Eglise. Seulement pourquoi toujours se focaliser sur ce qui ne va pas ? Ne peut-on pas aussi voir ce qui va mieux, ce qui s’améliore ? A voir toujours le mal, ne risque-t-on pas de se décourager ? Or le découragement empêche l’action. Un chrétien qui pense que tout va mal et que tout ira encore plus mal, est bien souvent un chrétien qui ne fera plus rien. A quoi bon agir dans notre société si tout va toujours plus mal ? Mais en ne faisant rien, ne nous rendons-nous pas complice de ce mal ?

Notre vision du monde

En réalité, si nous avons une vision aussi négative, c’est que nous sommes persuadés que tout va mal finir. Le monde évangélique est en effet actuellement dominé par une doctrine qui affirme que les « évènements de la fin des temps », qui précéderont le retour de Christ, seront nécessairement une suite de catastrophes. Cette vision, totalement décourageante, empêche de voir la progression de l’Humanité, en s’attardant toujours sur ce qui ne va pas. Certains chrétiens allant même jusqu’à se réjouir des catastrophes, pensant qu’elles annoncent le retour de Christ.

De mon côté, je développerai dans les articles suivants une vision tout à fait différente, dont j’ai déjà pu exposer les grandes lignes dans mon article précédent.

Notes

(1) Cité par J.-L Flandrin, Le sexe et l’Occident, Paris, Le Seuil, 1981,

(2) P. Sorlin « La Croix » et les Juifs (1880-1899). Contribution à l’histoire de l’antisémitisme contemporain, Paris, Grasset, 1967.

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Sommaire de la série :

Les chrétiens et la fin du monde

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Réfléchir sur la fin du monde : quelle utilité ? 

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A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.