Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), théologien protestant et résistant

Cet été j’aurai le plaisir, comme l’année dernière, de participer à une session Socrate Saint-Paul. A cette occasion, je proposerai deux conférences que je suis actuellement en train de préparer. Une de ces deux conférences porte sur le théologien protestant Dietrich Bonhoeffer (1906-1945) et je me suis dit qu’il serait intéressant de présenter sa vie et son œuvre sous forme d’articles. Dans ce premier article, je commencerai donc par sa biographie.

Dietrich Bonhoeffer et Eberhard Bethge

Toute étude de Dietrich Bonhoeffer ne peut commencer que par la lecture de la biographie rédigée par Eberhard Bethge (1909-2000). Eberhard Bethge était un étudiant du séminaire de Dietrich Bonhoeffer qui est ensuite devenu son ami le plus proche et même un membre de sa famille, puisqu’il a épousé Renate Schleicher, une nièce de Dietrich Bonhoeffer. C’est avec Eberhard Bethge que Dietrich Bonhoeffer partagera en prison ses réflexions les plus profondes, dont nous possédons des restes dans Résistance et Soumission. Après-guerre, c’est Eberhard Bethge qui a joué un rôle décisif dans l’édition des œuvres de Dietrich Bonhoeffer.

Milieu familial

Dietrich Bonhoeffer est issu d’une famille allemande relativement importante. Sabine, Sa sœur jumelle, et lui-même sont les 6e et 7e enfants d’une famille de 8 enfants. Son père Karl Bonhoeffer (1868-1958) est professeur de psychiatrie et de neurologie. Sa mère, Paula von Hase (1876-1951), est fille d’un professeur de théologie, Karl Alfred von Hase (1842-1914), qui a aussi été prédicateur à la cours de Guillaume II. L’arrière–grand-père Karl August von Hase (1800-1890) était professeur d’histoire de l’Eglise et a participé comme expert de la minorité au concile Vatican I.

Un des frères de Dietrich, Walter (1899-1918) est mort au front en 1918. Deux de ses sœurs, Ursula (1902-1983) et Christine (1903-1965), épousent des personnes dont nous reparlerons par la suite. En 1923, Ursula épouse Rüdiger Schleicher (1895-1945), tandis que Christine épouse Hans von Dohnanyi (1902-1945) en 1925. Enfin sa sœur jumelle, Sabine se marie en 1926 avec Gerhard Leibholz (1901-1982), qui est d’origine juive.

Dietrich Bonhoeffer et la théologie

Très jeune Dietrich Bonhoeffer se passionne pour la théologie. Il suit notamment les cours du grand spécialiste de l’histoire de la théologie, Adolf von Harnack, qu’il a particulièrement admiré.

En 1924, il effectue un premier voyage à Rome qui lui permet de découvrir l’Eglise catholique dont il apprécie l’universalité. Il commence alors à développer un goût pour l’œcuménisme.

Les enfants Bonhoeffer ont sauté des classes et passé leur bac très jeune, ce qui permet à Dietrich Bonhoeffer de soutenir sa thèse de théologie à seulement 21 ans, le 17 décembre 1927. Thèse pour laquelle il obtient la meilleure mention, « Summa cum Laude ».

Les voyages

Il passe une année à Barcelone en tant que vicaire de paroisse (1928-1929), puis revient à Berlin (1929-1930). L’année suivante, 1930-1931, il effectue un séjour à l’Union Theological Seminary de New-York. C’est là qu’il se lie d’amitié avec quatre personnes, deux Américains (Frank Fisher et Paul Lehmann), un Suisse (Erwin Sutz) et un Français (Jean Lasserre). Cela a contribué à faire évoluer sa vision du monde. Il s’éloigne des convictions nationalistes de sa jeunesse et se rapproche du camp des pacifistes.

Il rentre ensuite en Allemagne en 1931-1932 et est ordonné pasteur le 15 novembre 1931. Il est alors affecté dans deux paroisses londoniennes. Ces voyages lui ont permis de créer des liens importants avec des théologiens des différents pays.

A son retour en Allemagne, Dietrich Bonhoeffer décide de fonder un séminaire pour former les pasteurs qui souhaitent échapper à l’influence du régime nazi. Celui-ci avait en effet réussi à infiltrer l’Eglise officielle et recevait le soutien de celle-ci. Face à cela, une Eglise confessante s’est mise en place. Alors même que plusieurs des membres de l’Eglise confessante prônaient un certain accommodement, Dietrich Bonhoeffer faisait partie de l’aile la plus radicale de cette Eglise, qui était opposée à toute compromission avec le régime nazi.

Le séminaire est établi à Zingst, mais se déplace très vite à Finkenwalde. L’expérience dure deux ans (1935-1937), mais il est ensuite fermé par la Gestapo. Il est cependant prolongé de manière clandestine sous forme de vicariats collectifs durant deux années supplémentaires (1938-1940).

A cette époque, plusieurs pasteurs ont déjà été envoyés en camp de concentration et Dietrich Bonhoeffer commence lui-même à être surveillé.

Les complots militaires

Le régime nazi était loin de faire l’unanimité parmi les hauts responsables militaires et plusieurs envisagèrent dès les années 1930 d’éliminer Hitler. Ces premiers projets ne se sont cependant jamais concrétisés.

Plusieurs proches de Dietrich Bonhoeffer, en particulier Hans von Dohnanyi, furent impliqués dans ces conjurations. En raison de ses liaisons oecuméniques avec des chrétiens de nombreux pays, Dietrich Bonhoeffer est impliqué dans le projet comme agent de liaison.

Fiançailles et arrestation

En janvier 1943, Dietrich Bonhoeffer se fiance avec une jeune fille, Maria von Wedemeyer. La joie est de courte durée car Dietrich Bonhoeffer est arrêté le 5 avril 1943. Au début de son emprisonnement, il pense être libéré rapidement, mais sa détention se prolonge. Il passe finalement un an et demi à la prison militaire de Tegel, avant d’être transféré le 8 octobre à 1944 à la prison de l’Office du Reich.

Entretemps, un événement considérable a eu lieu. Le 20 juillet 1944, une nouvelle tentative d’attentat contre Hitler venait d’échouer, mais cette fois la bombe avait bien explosé.

La filière est remontée, plusieurs hauts dignitaires de l’armée sont arrêtés et mis en accusation et Dietrich Bonhoeffer se retrouve mêlé à cette affaire. Les accusés sont transférés dans différents camps de concentration. Sentant sa fin approchée, Hitler donne finalement l’ordre d’exécution.

Dietrich Bonhoeffer et plusieurs autres conjurés, dont l’amiral Canaris, sont condamnés à mort par un tribunal sommaire organisé au camp de concentration de Flossenbürg et présidé par le juge SS Otto Thorbeck. L’exécution a lieu le 9 avril 1945.

Oeuvre

Les historiens distinguent en général trois grandes périodes dans l’œuvre de Dietrich Bonhoeffer : les écrits universitaires, l’étape militante de l’Eglise confessante et le temps « visionnaire » des lettres de captivité.

Dans les prochains articles, je vous présenterai quelques uns de ces travaux, ceux traduits en français.

A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.