Après avoir survolé l’histoire du mariage, je vous propose maintenant d’en examiner la définition. Beaucoup de chrétiens considèrent qu’un couple est marié lorsqu’il est enregistré comme tel par l’Etat. Une telle définition ne me semble pourtant biblique et c’est ce que je tenterai d’expliquer dans l’article qui suit.
Le mariage : contrat civil ou institution divine ?
Le respect des autorités
Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que les Ecritures invitent à respecter les autorités civiles. En tant que chrétiens nous devons donc, dans la mesure du possible, nous efforcer d’obéir à l’Etat. Cependant, il y a une exception, lorsque la loi étatique va à l’encontre des préceptes divins. Or, attribuer à un contrat civil le statut de mariage me semble précisément entrer dans cette catégorie. En effet, définir le mariage comme un « contrat civil » est de fait une négation de son institution divine.
L’Etat est la puissance publique. Tout ce qui relève de la cité, qui est civil, est sous son contrôle. Dès lors, reconnaître que le mariage est un acte civil, c’est reconnaître à l’Etat le droit de définir ce qu’est le mariage. A partir du moment où l’Etat peut définir ce qu’est le mariage, il peut aussi en modifier la définition, par le biais des lois, en fonction de l’évolution des mœurs. C’est pourquoi, je pense que protester contre le « mariage pour tous », tout en acceptant le « mariage civil » est incohérent. De plus, refuser de reconnaître au contrat civil le statut de mariage n’est pas en soit une désobéissance envers l’Etat, puisque cela ne trouble nullement l’ordre public.
Il est parfaitement légitime que l’Etat encadre la société civile. Etablir un contrat permettant l’union légale de plusieurs individus fait partie de ces éléments d’encadrement. Ce que je reproche simplement, c’est d’appeler ce contrat un « mariage », alors qu’il ne correspond tout simplement pas à la définition que Dieu donne du mariage. Qu’un Etat religieusement neutre fasse cette confusion est compréhensible, puisqu’en soit il n’a pas à accepter la définition chrétienne du mariage. En revanche, que des chrétiens acceptent cette confusion me paraît plus regrettable
Les problèmes de la reconnaissance de l’autorité étatique en matière de mariage
La tension entre la définition chrétienne du mariage et la conception étatique ne date pas d’aujourd’hui et je vous propose deux exemples historiques pour illustrer cela.
Le premier vient de la Rome antique. Nous avons vu que le mariage était un acte privé, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y avait aucune règle. Deux de ces règles viennent considérablement gêner les chrétiens. La première est que l’on ne pouvait se marier qu’avec des gens de même rang social. Or le ratio sexuel des chrétiens chez les aristocrates romains était très déséquilibré, il y avait beaucoup plus de femmes converties que d’hommes. Un aristocrate chrétien n’avait donc aucun mal à trouver une aristocrate chrétienne avec qui se marier. En revanche, beaucoup d’aristocrates chrétiennes ne pouvaient pas trouver de mari chrétien. Par conséquent, elles avaient le choix entre épouser un aristocrate païen ou se mettre en concubinage avec un chrétien de rang inférieur. La plupart ont opté pour le deuxième choix. Ont-elles eu raison ? Je pense que oui. Il est préférable qu’une aristocrate chrétienne s’unisse avec un chrétien de rang inférieur pour fonder un foyer chrétien, même si cette union n’était pas reconnue comme un « mariage » par l’Etat, plutôt que d’être reconnue comme « mariée » par l’Etat, mais se trouver sous un « joug étranger » (2 Corinthiens 6 : 14). Par ailleurs, le mariage ne pouvait concerner que des hommes libres et était interdit aux soldats (jusqu’à Septime Sévère). Un esclave ou un soldat ne pouvait aux yeux de l’Etat jamais contracter de mariage. A cause de cela les esclaves ou les soldats chrétiens devaient-ils être condamnés au célibat perpétuel ?
Le deuxième exemple est beaucoup plus proche de nous puisque cette question de légalité s’est aussi posée en France à l’époque moderne. Pensant avoir éliminé le protestantisme de son royaume, Louis XIV révoque l’édit de Nantes par l’édit de Fontainebleau (1685). A partir de cette date et jusqu’à l’édit du 15 novembre 1787, les protestants n’existaient plus aux yeux de la loi. Bien sûr, ceux-ci continuaient à se marier « au désert », mais pour l’Etat français, ces mariages n’existaient pas. Pendant plus d’un siècle, tous les protestants étaient donc au regard de la loi en situation de concubinage et leurs enfants étaient considérés comme des enfants illégitimes.
De l’eau et du champagne
Ces exemples montrent qu’il est nécessaire pour les chrétiens de bien faire la distinction entre le « contrat civil », même si les hommes ont pu l’appeler « mariage », et le vrai mariage selon Dieu. Coller une étiquette de champagne sur une bouteille d’eau, ne transformera pas cette eau en champagne. Celle-ci restera une bouteille d’eau … avec une étiquette de champagne. De la même façon, ce « contrat civil » même s’il porte le nom de « mariage » n’a jamais été un mariage au sens chrétien du terme. Juste un contrat civil, auquel on a donné le nom de mariage.
Le fait que ce contrat civil soit né dans une société marquée par les valeurs chrétiennes a pu entrainer une ressemblance de surface avec le mariage chrétien et créer une certaine confusion. Aujourd’hui, les choses changent, les évènements récents (l’ouverture du mariage aux couples homosexuels) n’ont donc pas « dénaturé le mariage » comme on le dit souvent, mais simplement fait tomber le masque de ce qui n’a jamais été un mariage.
Une fois ce constat posé, il faut maintenant se demander : D’un point de vue biblique, qu’est-ce que le mariage ?
Une définition biblique du mariage
Le premier constat que nous devons faire, c’est que l’Ecriture ne fixe aucune règle précise concernant une éventuelle cérémonie de mariage. Pour comprendre la pensée divine, outre le verset fondateur de Genèse déjà cité, nous ne pourrons donc nous appuyer que sur des exemples historiques. Voyons ce que nous pouvons en tirer.
Commençons par ce verset commenté par l’apôtre Paul :
« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église. » (Ephésiens 5 : 31, citant et commentant Genèse 2 :24)
Deux points peuvent être relevés. Premièrement, nous avons une description concise mais précise de ce qu’est le mariage selon Dieu. Il s’agit de l’union, unique et indissoluble, d’un homme et d’une femme. Si ce commandement était connu depuis la Genèse, c’est l’apôtre Paul qui nous en révèle pleinement le sens caché, que certains prophètes avaient pu anticiper. Cette union représente la relation entre Christ et l’Eglise. De là, nous comprenons que toute remise en question d’au moins une de ces trois caractéristiques (monogame, hétérosexuel et indissoluble) ne peut que porter atteinte à ce symbole.
Deuxièmement, nous pouvons constater que le mariage est avant tout défini de manière positive. Par la suite, la Bible présentera une liste, notamment dans le Lévitique, de toutes les unions interdites. Mais cette liste n’est venue qu’après et est une conséquence du péché. A l’origine, Dieu explique simplement à l’homme ce qu’est le mariage. Ce détail peut paraître anodin, pourtant il me semble que c’est une leçon capitale qui nous indique comment diriger notre façon de penser.
Ces bases étant posées, intéressons nous maintenant au mariage dans la Bible.
Mariage unique et mariage par étapes
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le grand danger de l’anachronisme. Celui-ci consiste à appliquer des mentalités et des concepts de notre époque sur des réalités d’autrefois. Cette mise en garde est particulièrement vraie concernant le sujet du mariage.
En effet, dans les pays occidentaux, le mariage apparaît comme un acte unique. Le mariage se fait en une seule fois, les personnes passent directement du statut de « non-marié» à « marié ». Cette vision du mariage est héritée de Rome, mais bien qu’elle nous paraisse évidente, elle est en réalité minoritaire dans l’Antiquité.
La plupart des autres sociétés (germaniques, africaines, sémitiques et donc celles des patriarches et d’Israël) fonctionnent au contraire avec un mariage par étapes. Concrètement entre l’état de célibataire et la cohabitation commune, le couple passe par différentes étapes (échange de promesses, dons, etc.) qui varient en fonction des sociétés.
Dans nos Bibles, la première étape est souvent assimilée aux « fiançailles » mais cette traduction est problématique, car cette étape n’équivaut pas à ce que nous, nous appelons des fiançailles. Aujourd’hui, nous faisons une distinction très nette entre « mariage » et « fiançailles » et la rupture des fiançailles n’est pas assimilée à un divorce. Dans la Bible, au contraire, la « fiancée » est déjà considérée comme une femme mariée. Dans la loi de Moise, coucher avec une femme fiancée équivaut à commettre un adultère et dans le Nouveau Testament, Marie et Joseph sont déjà qualifiés de « mari » et « femme » alors qu’ils ne vivent pas ensemble.
Une question décalée
Du coup, la question des relations sexuelles se pose différemment : la question n’est plus de savoir si les relations sont autorisées avant le mariage, mais plutôt à partir de quelle étape ? Différents éléments de la littérature rabbinique invitent à penser que dès les « fiançailles », qui sont donc en fait la première étape du mariage, ces relations étaient possibles.
Dans la Bible, nous avons l’exemple de Samson. Celui-ci a déjà des rapports avec sa femme, alors que celle-ci habite encore chez son père, ce qui montre qu’ils n’étaient encore qu’au stade des « fiançailles ». De manière un peu plus voilée, le couple du Cantique des cantiques, nous offre le même exemple.
Les rapports entre relations sexuelles et mariage
Il faut maintenant s’interroger sur le rapport entre les relations sexuelles et le mariage. Ce problème peut se décliner sous la forme de deux questions : la consommation du mariage est-elle nécessaire à sa validité ? Les relations sexuelles suffisent-elles à établir le mariage ?
Pour la deuxième question nous pouvons constater que, dans la Bible, l’acte de création provient avant tout de la parole. C’est par Sa Parole que Dieu a créé le monde et c’est par Sa Parole incarnée qu’Il le sauve et fonde une nouvelle alliance. C’est la parole, l’engagement mutuel des deux personnes concernées, qui crée le mariage et non la relation sexuelle en elle-même qui, sans engagement, n’est que de la fornication (même si ce terme est un peu désuet aujourd’hui). Le mariage est donc avant tout constitué par l’engagement verbal et mutuel d’un homme et d’une femme. Les relations sexuelles viennent ensuite sceller cet engagement. Lorsque cela est possible, il est aussi bon de confirmer cet engagement en le faisant reconnaître par les autorités civiles du pays dans lequel nous vivons.
A quel moment doit intervenir le premier rapport sexuel ? Certains chrétiens pensent qu’il faut attendre la cérémonie officielle car c’est elle qui, selon eux, fait office de mariage. Toutefois, nous avons vu précédemment que c’est en réalité l’engagement verbal qui créait le mariage. De mon côté, je préconise donc plutôt de choisir un moment entre l’engagement officiel (les fiançailles) et la cérémonie publique. A cela deux raisons :
a) La première, qui est peut-être plus subjective, est que j’ai toujours été dérangé par l’idée que la date de la « nuit de noces » soit connue de tous. Il me semble que c’est quelque chose d’intime et il me paraît préférable que ce secret appartienne au couple seul.
b) La deuxième est que la nuit après la cérémonie ne me semble tout simplement pas un temps favorable pour une « première fois », particulièrement pour la femme. C’est un temps de stress et l’expérience risque d’être plus désagréable qu’autre chose. Au contraire, mieux vaut que cette « première fois » se déroule dans un moment calme, loin de toute agitation.
Le lien du mariage
Pour la première question, nous avons déjà vu que le droit romain était très clair : le consentement suffit à établir le mariage. La consommation du mariage est donc « optionnelle ». Dans l’Eglise, cette question a fait débat. Les Pères latins, qui sont issus de la culture romaine, Ambroise de Milan par exemple, ont repris cette opinion. D’autres théologiens, en revanche, comme Hincmar de Reims, ont fait de la consommation du mariage une condition de sa validité. Cependant cette solution ne s’est pas imposée dans l’Eglise occidentale. Outre le poids de la tradition romaine, un autre argument de taille a été le mariage de la Vierge Marie. En effet depuis le deuxième concile de Constantinople (553), Marie était officiellement reconnue comme « Toujours Vierge ». Le mariage entre Marie et Joseph n’a donc jamais été consommé. Faire de la consommation du mariage une nécessité amenait donc à conclure que le mariage de Marie et Joseph n’était pas un vrai mariage.
« L’agent du mariage »
Enfin, une dernière question se pose concernant « l’agent » du mariage. Qui unit les époux ? Le prêtre/pasteur ? Le maire ? Les conjoints eux-mêmes ? La réponse varie en fonction des Eglises. Il me semble pourtant que Jésus est très clair : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a joint ». C’est Dieu lui-même qui unit les deux conjoints. Dieu n’est donc pas un observateur passif qui servirait simplement de témoin, mais il est bien « l’agent du mariage ».
Conclusion
Pour conclure, je vous propose de récapituler les principaux points de cet article :
- Il est nécessaire en tant que chrétien de distinguer le contrat civil et l’institution divine du mariage, qui est une alliance.
- Le contrat civil est sous contrôle de l’Etat et est défini par lui. Le mariage provient directement de Dieu qui en a fixé le cadre immuable.
- La Bible nous révèle que, selon Dieu, le mariage est l’union unique et indissoluble d’un homme et d’une femme.
- Cette union se fait par l’engagement verbal et réciproque des deux conjoints. C’est cet engagement verbal qui distingue le mariage du concubinage.
- Les relations sexuelles viennent normalement sceller cet engagement.
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