Rufin d’Aquilée est un écrivain chrétien latin du quatrième siècle. Il est particulièrement connu pour être un des traducteurs d’Origène. Proche de Jérôme, ils se sont ensuite justement brouillés à cause d’Origène. Jérôme, d’abord admirateur d’Origène est ensuite devenu son détracteur, tandis que Rufin, lui, est toujours resté fidèle à Origène. Il a d’ailleurs pris la plume pour le défendre contre les attaques posthumes dont celui-ci a été victime.
A côté de son travail de traducteur, Rufin a aussi composé des livres. Parmi ces œuvres de Rufin, il y a notamment un Commentaire du Credo. C’est dans ce commentaire que Rufin expose le canon biblique. Je vous propose de le découvrir. J’ajouterai ensuite, à mon tour, un bref commentaire.
Texte
« Ainsi, de l’Ancien Testament les cinq livres de Moïse ont été transmis avant tous les autres : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome ; ensuite ceux de Josué et des Juges, en même temps que celui de Ruth ; puis quatre livres : les livres des Rois, au nombre de deux pour les Hébreux, les Paralipomènes qui sont dits livres des Chroniques, les deux livres d’Esdras qu’ils comptent pour un seul, et celui d’Esther ; ceux des prophètes Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Daniel plus un livre des douze prophètes ; également le livre de Job et les Psaumes de David forment un seul livre. Les trois livres de Salomon furent transmis aux Eglises : Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des Cantiques. Voilà l’ensemble des livres de l’Ancien Testament. Le Nouveau Testament comprend quatre Evangiles : celui de Matthieu, Marc, de Luc, de Jean, les Actes des Apôtres qu’a composés Luc, les quatorze lettres de l’apôtre Paul, deux lettres l’apôtre Pierre, une de Jacques, frère du Seigneur et apôtre, une de Jude, trois de Jean, l’Apocalypse de Jean. Voilà ce que les Pères ont inclus dans le Canon et sur quoi ils ont voulu fonder la vérité de notre foi.
Il faut savoir également qu’il existe d’autres livres, appelés par nos ancêtres, non pas canoniques, mais ecclésiastiques, ainsi : La Sagesse, dite de Salomon, et une Sagesse dite de Sira le fils : ce livre chez les Latins est appelé du terme général d’Ecclésiastique, terme qui ne désigne pas l’auteur du livre, mais le genre de l’écrit. Du même ordre les livres de Tobie, de Judith et les livres des Macchabées. Dans le Nouveau Testament, il y a le livre dit du Pasteur ou d’Hermas, celui qui est appelé les Deux Voies, et le Jugement selon Pierre. On a voulu que tous ceux-là soient lus dans les églises, sans pourtant établir sur eux l’autorité de la foi.
On a nommé apocryphes toutes les autres écritures dont on n’a pas voulu qu’elles soient lues à l’église. Il nous a paru opportun d’indiquer ici cette tradition des Pères—comme je l’ai dit — pour l’instruction de ceux qui ont charge des premiers fondements de la foi, pour qu’ils sachent à quelles sources il leur faut remplir les coupes de la parole de Dieu. » (1)
Commentaire
Le canon de Rufin est certainement, parmi les Pères de l’Eglise, le plus proche des canons courts figurant dans la plupart des Bibles protestantes actuelles. On pourrait même croire qu’il est exactement identique. Il y a cependant une différence, qui n’apparaît pas dans ce texte, mais qui se constate ailleurs dans l’œuvre de Rufin, c’est que celui-ci suit, comme tous ses contemporains ou presque, la version des Septante.
Or, dans cette version de la Bible, le livre de Baruch est joint au livre de Jérémie. Par conséquent, lorsque Rufin parle de « Jérémie », il ne faut pas seulement comprendre le livre de Jérémie, mais aussi celui de Baruch. Il s’agit là cependant d’une différence assez mineure.
On peut cependant aussi noter qu’entre les livres bibliques et les apocryphes, Rufin admet, comme d’autres Pères de l’Eglise, une catégorie intermédiaire, « les livres ecclésiastiques ». Ils peuvent être lus dans les églises, mais n’ont pas la même autorité que les livres canoniques.
Toutefois, il ne faut pas non plus croire que ce canon soit représentatif de l’opinion de tous ses contemporains. Si certains Pères de l’Eglise optent pour un canon court, d’autres préfèrent un canon plus long.
Note
Rufin d’Aquilée, Explication du Credo des apôtres, 35-36.
Bibliographie
Rufin et Fortunat, Deux commentaires du Credo des Apôtres, (trad. fr. F. Bilbille Gaven & J.-C. Gaven), Paris, Migne & Diffusion Brepols, 1997.
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