Le concile de Nicée est le premier concile œcuménique. Il est surtout connu pour avoir débattu de la question de la divinité de Jésus. Comment comprendre cette divinité ? Toutefois, d’autres sujets ont aussi été abordés, dont celui de la sexualité des ecclésiastiques. Le récit nous est rapporté par deux historiens, Socrate et Sozomène. Je vous propose donc de découvrir cet extrait, que je commenterai ensuite.
La sexualité des ecclésiastiques
« Paphnuce était évêque d’une des villes de la Haute Thébaïde ; c’était un homme à ce point aimé de Dieu que des miracles extraordinaires furent accomplis par lui. Cet homme, au temps de la persécution, fut privé d’un œil. L’empereur le vénérait beaucoup ; il le faisait continuellement venir au palais et il baisait la place de son œil arraché, tant était grande la piété de l’empereur Constantin. Cette unique chose étant dite sur Paphnuce, je vais raconter ce qui arriva alors sur ses conseils pour l’utilité de l’Église et l’honneur des consacrés.
Il semblait bon aux évêques d’introduire dans l’Eglise une loi nouvelle, selon laquelle les consacrés – je veux dire les évêques, les prêtres, les diacres et les sous-diacres – ne devaient plus coucher avec les épouses qu’ils avaient prises lorsqu’ils étaient encore laïcs.
Lorsque eut lieu la délibération à ce sujet, Paphnuce, debout au milieu de l’assemblée des évêques, se mit à crier bien fort de ne pas imposer un joug pesant aux hommes consacrés – en disant que leur mariage était honorable et leur couche sans souillure – de peur qu’ils ne fassent plutôt du tort à l’Eglise par un excès de rigueur. Tous n’étaient pas capables de supporter l’ascèse de l’impassibilité, et peut-être ne serait même pas préservée la chasteté de leur épouse – il appelait chasteté les relations avec l’épouse légitime. Il suffisait que celui qui s’était déjà engagé dans le clergé ne puisse plus se marier, conformément à l’ancienne tradition de l’Eglise, mais il ne fallait sûrement pas qu’il se sépare de celle qu’il avait épousée auparavant, alors qu’il était laïc. Il disait cela alors qu’il n’avait aucune expérience du mariage ni, pour tout dire, de la femme, car dès son enfance il avait été élevé dans une maison d’ascètes et était renommé comme personne pour sa chasteté.
L’assemblée des consacrés toute entière est persuadée par les paroles de Paphnuce. Ils firent taire la discussion sur cette question, en laissant ceux qui le voulaient décider s’ils s’abstiendraient de rapports avec leurs épouses. » (1)
Commentaire
On voit que la question soulevée est celle de la sexualité des hommes d’Eglise. Est-il concevable qu’un ministre de l’Eglise, du sous-diacre à l’évêque, ait des relations sexuelles avec son épouse ?
Certains évêques pensaient que cela était contraire à la dignité ecclésiastique, car ils concevaient la sexualité comme quelque chose d’impure. Un clerc devait donc nécessairement s’abstenir de toute relation sexuelle, y compris avec son épouse légitime. Cette règle était déjà appliquée par certains, mais elle est ici proposée comme règle générale pour l’ensemble de l’Eglise. On peut remarquer que Socrate qualifie cette proposition de « loi nouvelle ». Nous ne savons pas qui a fait cette proposition, mais il est possible que celle-ci vienne des évêques d’Occident présents au concile et notamment d’Ossius de Cordoue. J’expliquerai pourquoi dans un prochain article.
Toutefois, nous voyons que cette idée a suscité l’opposition ferme d’un évêque égyptien nommé Paphnuce qui prend alors la parole. Dans son discours, on peut noter deux arguments principaux. Un argument théologique, les relations sexuelles au sein du mariage ne sont pas impures, et un argument pragmatique, une proposition aussi extrême risque de faire du tort à l’Eglise.
Enfin, nous constatons que cette intervention, qui est certainement très juste d’un point de vue théologique et empreinte de sagesse, réussit à convaincre les autres évêques de ne pas accepter cette règle nouvelle.
Conclusion
En conclusion, nous avons donc vu que dès le concile de Nicée, la question de la sexualité des ecclésiastiques avait été débattue. A cette époque cependant, l’idée d’une abstinence obligatoire avait été repoussée, grâce à Paphnuce qui rappelait que la sexualité au sein du mariage n’était pas impure. Cependant, comme nous le verrons dans de prochains articles, cette idée sera ensuite oubliée.
Note
(1) Socrate de Constantinople, Histoire ecclésiastique, I, 11.
Bibliographie
Socrate de Constantinople, Histoire ecclésiastique, (trad. P. Périchon & P. Maraval), Paris, Cerf, 2004-2007.