Après avoir présenté les grandes positions chrétiennes concernant les rapports entre la souveraineté de Dieu et la liberté humaine, je souhaiterais revenir un peu plus en détail sur la position du déterminisme théiste pour en montrer toutes les implications morales.
Présentation du déterminisme théiste
Le déterminisme désigne la croyance selon laquelle les humains n’ont aucune liberté d’action mais sont entièrement déterminés par des causes qui leurs échappent. Les actions humaines ne sont donc pas issues, même en partie, de la volonté des hommes, mais d’une source extérieure, que l’être humain ne peut pas contrôler. En fonction des opinions philosophiques, cette source varie, ce qui donne lieu à différents déterminismes (astral, matérialiste, etc.).
Toutefois, dans le cadre de cet article je m’intéresserai uniquement au déterminisme théiste, bien que les remarques qui seront faites puissent aussi, au moins en partie, s’appliquer à d’autres formes de déterminismes.
Le déterminisme théiste peut être résumé de la sorte : Dieu a tout décrété et l’homme n’a aucune liberté réelle. Tout ce qui advient dans le monde a été décidé par avance par Dieu et l’être humain ne peut en aucune manière influencer le cours des évènements.
Historiquement, le déterminisme théiste a été promu par les gnostiques, puis par les manichéens. Cette doctrine est entrée dans l’Eglise à la fin du IVe-début du Ve siècle avec Augustin d’Hippone, un ancien manichéen converti au christianisme. Après avoir combattu ses anciens coreligionnaires en défendant la position traditionnelle de l’Eglise, Augustin change d’avis et adopte une position déterministe. Cette position est ensuite défendue par quelques individus tout au long de l’histoire. Il faut cependant attendre le XVIe siècle, et Jean Calvin, pour que cette doctrine prenne vraiment de l’ampleur au sein du christianisme et soit officiellement adoptée par un mouvement (connu sous le nom de calvinisme ou position réformée).
Les conséquences morales du déterminisme théiste
Première conséquence morale : l’origine du mal et le but du châtiment divin
Soutenir le déterminisme théiste revient à affirmer que :
- Dieu a décrété la chute
- Dieu a condamné les hommes pour cette chute
- Dieu sauve certains hommes mais laissent les autres dans leurs péchés, les condamnant à la damnation éternelle.
Les déterministes théistes affirment que le châtiment éternel des pécheurs est une source de gloire pour Dieu et que Celui-ci a donc introduit le mal dans le monde dans le seul but d’exercer sa justice aux yeux de toutes ses créatures en condamnant les pécheurs à des peines éternelles.
Deuxième conséquence morale : la responsabilité morale
Un chrétien ne dira cependant jamais que Dieu est responsable du mal, car cela irait à l’encontre de la nature même de Dieu. Soutenir le déterminisme théiste revient donc à affirmer que :
- Dieu a décrété le mal, mais n’en est pas responsable
- L’homme n’a pas la liberté de choisir entre le bien ou le mal, mais il est tenu responsable de ses actions et condamné pour le mal qu’il fait.
Ce raisonnement, qui défie toute logique, peut être illustré par la petite histoire suivante : un homme assassine avec un couteau une personne. Le tribunal qui examine l’affaire déclare, lors du jugement, que le responsable du meurtre n’est pas l’homme mais le couteau et décide donc de condamner le couteau et de libérer l’homme. On voit bien l’absurdité d’un tel raisonnement. C’est pourtant exactement ce qu’affirment les déterministes théistes.
Troisième conséquence : une « hypocrisie » divine
Etymologiquement, le terme grec « hypocrite » désigne celui qui porte un masque. La doctrine déterminisme affirme explicitement que la volonté divine est hypocrite, puisqu’elle est masquée par une autre volonté. En effet, d’après la théologie déterministe, il existe nécessairement deux volontés :
- Une volonté secrète
- Une volonté révélée
Or ces deux volontés peuvent parfois, et même souvent, se contredire. Prenons un exemple concret.
Peu de temps avant sa mort Jésus pleure sur Jérusalem (Matthieu 23 : 37):
« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu! »
Toute personne normale lisant ce passage comprend la chose suivant :
a) Dieu voulait que Jérusalem revienne vers Lui
b) Mais Jérusalem a refusé la volonté divine et a continué à se révolter contre Dieu.
Toutefois, pour un déterministe théiste, une telle affirmation est impossible. Tout ayant été décrété, il doit donc nécessairement en conclure que si Jérusalem a persévéré dans la révolte, c’est parce que dans sa volonté secrète Dieu a décrété que Jérusalem continuerait à se révolter.
Les pleurs de Jésus sur Jérusalem n’expriment que la volonté révélée de Dieu, mais contredisent sa volonté secrète. Il s’agit donc bien d’une hypocrisie, au sens premier du terme.
Conclusion
Nous voyons donc que l’affirmation du déterminisme théiste, soutenu au sein du christianisme par Augustin et Jean Calvin, nécessite d’attribuer à Dieu l’origine du mal et remet en question toute la morale et toute la logique élémentaires.
Par ailleurs, cette doctrine attribue aussi à Dieu l’hypocrisie en postulant l’existence de deux volontés contradictoires.
Articles liés
Quelques mots d’Arminius, théologien oublié, sur le Calvinisme
L’article vous a plu ? Gardons contact
[wysija_form id= »1″]