Les (multiples) condamnations pontificales de l’inerrance biblique limitée

            Aujourd’hui, aussi bien en théorie qu’en pratique, la plupart des catholiques romains, que ce soit les théologiens, les exégètes ou les « simples particuliers », adhèrent à la doctrine de l’inerrance biblique limitée. C’est-à-dire qu’ils considèrent que la Bible n’est infaillible, ou sans erreur, que sur les questions touchant à la foi et aux mœurs. En revanche, en science ou en histoire, elle peut se tromper. Certains considèrent cela comme tellement évident, qu’ils tournent même en ridicule ceux qui penseraient le contraire. 

            Pourtant, cette doctrine de l’inerrance limitée a été condamnée à de multiples reprises et infailliblement, d’après la doctrine de l’Église romaine, par les papes. Ceux-ci ont au contraire clairement affirmé la doctrine de l’inerrance biblique absolue. C’est-à-dire que la Bible est infaillible, sans erreur, dans tous les domaines. Non seulement la foi et les mœurs, mais aussi les sciences et l’histoire. Ces affirmations sont d’autant plus importantes, qu’elles sont, d’après le magistère romain, couvertes par l’infaillibilité pontificale. 

            Je vous propose quatre textes magistériels affirmant l’inerrance biblique absolue et condamnant l’inerrance biblique limitée. La liste n’est toutefois pas exhaustive. 

a. Léon XIII, Providentissimus Deus (18 novembre 1893)

« On ne peut pas non plus tolérer la méthode de ceux qui se délivrent de ces difficultés en n’hésitant pas à accorder que l’inspiration divine ne s’étend qu’aux vérités concernant la foi et les mœurs, et à rien de plus. Ils pensent à tort que, lorsqu’il s’agit de la vérité des avis, il ne faut pas rechercher surtout ce qu’a dit Dieu, mais examiner plutôt le motif pour lequel il a parlé ainsi. 

En effet, tous les livres entiers que l’Église a reçus comme sacrés et canoniques dans toutes leurs parties, ont été écrits sous la dictée de l’Esprit Saint. Tant s’en faut qu’aucune erreur puisse s’attacher à l’inspiration divine, que non seulement celle-ci par elle-même exclut toute erreur, mais encore l’exclut et y répugne aussi nécessairement que nécessairement Dieu, souveraine vérité, ne peut être l’auteur d’aucune erreur. 

Telle est la croyance antique et constante de l’Église, définie solennellement par les conciles de Florence et de Trente, confirmée enfin et plus expressément exposée dans le concile du Vatican, qui a porté ce décret absolu : « Les livres entiers de l’Ancien et du Nouveau Testament, dans toutes leurs parties, tels qu’ils sont énumérés par le décret du même concile de Trente, et tels qu’ils sont contenus dans l’ancienne édition vulgate en latin, doivent être regardés comme sacrés et canoniques. L’Église les tient pour sacrés et canoniques non parce que, rédigés par la seule science humaine, ils ont été ensuite approuvés par l’autorité de ladite Église ; non parce que seulement ils renferment la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l’inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur. » (Session III, chap. 2).

On ne doit donc presque en rien se préoccuper de ce que l’Esprit Saint ait pris des hommes comme des instruments pour écrire, comme si quelque opinion fausse pouvait être émise non pas certes pas le premier auteur, mais par les écrivains inspirés. En effet, lui-même les a, par sa vertu, excités à écrire, lui-même les a assistés tandis qu’ils écrivaient, de telle sorte qu’ils concevaient exactement, qu’ils voulaient rapporter fidèlement et qu’ils exprimaient avec une vérité infaillible tout ce qu’il leur ordonnait et seulement ce qu’il leur ordonnait d’écrire. »

Plus loin, parlant de ceux qui travaillent sur la Bible, le pape ajoute : 

« Mais, pour que de tels travaux profitent vraiment aux sciences bibliques, les hommes doctes doivent s’appuyer sur les principes que nous avons indiqués plus haut. Ils doivent retenir fidèlement que Dieu, créateur et maître de toutes choses, est, en même temps, l’auteur des Écritures ; rien donc ne peut se trouver dans la nature, rien parmi les monuments de l’histoire, qui soit réellement en désaccord avec celles-ci. » (1)

b. Benoît XV, Spiritus Paraclitus (15 septembre 1920)

« Elle ne s’inscrit aucunement dans le cadre de ces prescriptions et de ces limites, l’opinion de ces auteurs récents qui, introduisant la distinction entre un élément primaire ou religieux, et un élément secondaire ou profane de l’Écriture, entendent bien que l’inspiration elle-même s’étend à toutes les affirmations et même à tous les mots des Écritures bibliques, mais qui restreignent et limitent ses effets, et d’abord l’immunité d’erreur et l’absolue vérité, à l’élément primaire ou religieux. Selon eux en effet, seul ce qui touche à la religion est visé et enseigné par Dieu dans les Écritures ; quant au reste, qui appartient aux disciplines profanes et qui sert en quelque sorte de revêtement extérieur à la vérité divine, il est permis seulement et laissé à la faiblesse de l’écrivain (…)

Ils ne s’écartent pas moins de la doctrine de l’Église… ceux qui pensent que les parties historiques des Écritures s’appuient non pas sur la vérité absolue de faits, mais seulement sur leur vérité relative, comme ils disent, et sur la manière populaire commune de penser ; et ils ne craignent pas de l’inférer des paroles mêmes du pape Léon, parce qu’il a dit que les principes établis en matière de faits naturels peuvent être transposés aux disciplines historiques. Ils affirment donc : de même que dans l’ordre physique les écrivains sacrés ont parlé selon ce qui leur apparaissait, de même ils ont rapporté des évènements qu’ils ne connaissaient pas comme l’opinion populaire commune ou des témoignages erronés semblaient les accréditer, mais sans indiquer les sources de leur information ni prendre à leur compte les récits d’autrui (…)

D’autres recourent trop aisément à ce qu’ils appellent les citations implicites, ou aux récits, qui ne seraient historiques qu’en apparence ; ou ils affirment qu’il se trouve dans les livres saints des genres littéraires inconciliables avec l’intégrité et la parfaite vérité de la Parole divine ; ou bien ils ont au sujet de l’origine de la Bible des idées qui en ébranlent ou même en détruisent l’autorité. » (2)

c. Pie XII, Divino Afflante Spiritu (30 septembre 1943)

« Plus récemment cependant, en dépit de cette solennelle définition de la doctrine catholique, qui revendique pour ces « livres entiers, avec toutes leurs parties », une autorité divine les préservant de toute erreur, quelques écrivains catholiques n’ont pas craint de restreindre la vérité de l’Écriture Sainte aux seules matières de la foi et des mœurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou de l’histoire, comme « choses dites en passant » et n’ayant – ainsi qu’ils le prétendirent – aucune connexion avec la foi. Mais Notre Prédécesseur Léon XIII, d’immortelle mémoire, dans son Encyclique, Providentissimus Deus du 18 novembre 1893, a confondu à bon droit ces erreurs et réglé l’étude des Livres Divins par des instructions et des directives très sages. » (3)

d. Pie XII, Humani Generis (12 août 1950)

« Aussi notre Prédécesseur, d’immortelle mémoire, Pie IX, lorsqu’il enseigne que la théologie a la si noble tâche de démontrer comment une doctrine définie par l’Église est contenu dans les sources, ajoute ces mots, non sans de graves raisons : « dans le sens même où l’Église l’a définie. » Mais pour en revenir aux systèmes nouveaux auxquels nous avons touché plus haut, il y a certains points que quelques-uns proposent ou qu’ils distillent, pour ainsi dire, dans les esprits, qui tournent au détriment de l’autorité divine de la Sainte Écriture. Ainsi, on a audacieusement perverti le sens de la définition du concile du Vatican sur Dieu, auteur de la Sainte Écriture ; et la théorie qui n’admet l’inerrance des lettres sacrées que là où elles enseignent Dieu, la morale et la religion, on la professe bien qu’elle ait été plusieurs fois condamnée. Bien plus, de la façon la plus incorrecte, on nous parle d’un sens humain des Livres Saints, sous lequel se cacherait le sens divin, le seul, nous dit-on, qui serait infaillible. » (4)

Notes

 (1) Léon XIII, Providentissimus Deus. (Traduction française officielle. Le texte complet est disponible sur le site officiel du Vatican : http://www.vatican.va/content/leo-xiii/fr/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_18111893_providentissimus-deus.html).

(2) Benoît XV Spiritus Paraclitus. (Traduction française du Denzinger n°3652-3654).

(3) Pie XII, Divino Afflante Spiritu4. (Traduction française officielle. Le texte complet est disponible sur le site du Vatican : http://w2.vatican.va/content/pius-xii/fr/encyclicals/documents/hf_p-xii_enc_30091943_divino-afflante-spiritu.html).

(4) Pie XII, Humani Generis. (Traduction française officielle. Le texte complet est disponible sur le site du Vatican : http://www.vatican.va/content/pius-xii/fr/encyclicals/documents/hf_p-xii_enc_12081950_humani-generis.html).

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A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.