Les débats sur l’historicité de Jésus
Il y a quelques temps, j’ai eu l’occasion de faire une série d’articles sur la question de l’historicité de Jésus. A la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, cette question a été débattue dans le monde académique et plusieurs historiens remettaient en cause l’existence même de Jésus.
Cependant, depuis Charles Guignebert (1867-1939), professeur à la Sorbonne, historien anticlérical et spécialiste du christianisme ancien, on considère que le débat est clos et plus aucun historien sérieux ne remet en cause l’historicité de Jésus.
Le débat actuel porte plutôt sur le degré d’historicité des évangiles. Ce degré varie d’un historien à l’autre, mais aucun n’oserait affirmer que ceux-ci auraient pu être complètement inventés sans que la personne même de Jésus ait réellement existé.
Pourtant, on entend encore régulièrement des militants athées ou antichrétiens remettre en cause cette existence. Que faire face à cela ?
Paul Veyne et le négationnisme
Dans cette situation, je me contente de rappeler cette citation de Paul Veyne :
« S’il faut en croire sa légende, après avoir élucubré obscurément sur Rimbaud et Lautréamont, il (Robert Faurisson) parvint vers 1980 à quelque notoriété en soutenant qu’Auschwitz n’avait pas eu lieu. Il se fit engueuler. Je proteste que le pauvre homme avait failli avoir sa vérité. Il était proche, en effet, d’une variété d’illuminés à laquelle les historiens de ces deux derniers siècles se heurtent parfois : anticléricaux qui nient l’historicité de Jésus (ce qui a le don d’exaspérer l’athée que je suis), cervelles fêlées qui nient celle de Socrate, Jeanne d’Arc, Shakespeare ou Molière, s’excitent sur l’Atlantide ou découvrent sur l’île de Pâques des monuments érigés par des extraterrestres. » (1)
Dans ce passage, issu de son célèbre livre Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paul Veyne rapproche directement ceux qui nient l’existence de Jésus à Robert Faurisson. Celui-ci avait commencé sa carrière par une sorte de révisionnisme littéraire, d’où la référence à Rimbaud et Lautréamont, avant de se faire véritablement connaître par sa négation de l’existence des chambres à gaz.
Ce rapprochement pourrait paraître un peu osé, pourtant il me semble tout à fait pertinent. Dans les deux cas, on rejette des faits bien établis au nom d’une démarche hypercritique, qui est en réalité pseudo-scientifique.
Histoire ou idéologie ?
Une discussion ne peut-être utile que si les personnes concernées partent d’une base commune. Ainsi, un débat historique ne peut avancer que si ceux qui y participent s’accordent sur la méthode historique.
Or le problème de l’existence de Jésus n’est aujourd’hui plus historique mais idéologique. Comme je l’ai signalé en introduction, quelque soit le degré d’historicité que l’on accorde aux évangiles, il n’est pas possible d’imaginer que la figure de Jésus ait pu être complètement inventée par les premiers chrétiens.
A partir de là, il est à mon avis assez inutile d’engager un débat historique avec une personne qui nierait l’existence historique de Jésus, car cette négation ne repose pas sur une réflexion rationnelle, qui pourrait être réfutée par des arguments historiques, mais plus sur une conviction émotionnelle, liée à une aversion personnelle pour le christianisme.
Conclusion
En tant que chrétiens, il est important de se rappeler quelle est notre mission. Nous n’avons pas vocation à convaincre les gens, c’est le Saint-Esprit qui s’en charge, mais nous devons être prêts à rendre compte de notre foi, comme nous y invite l’apôtre Pierre :
« Mais sanctifiez dans vos coeurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre, avec douceur et respect, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 Pierre 3 : 15)
Il est important d’expliquer ce que nous croyons, mais aussi pourquoi nous le croyons. La foi chrétienne reposant essentiellement sur la personne de Jésus, il est donc important d’expliquer pourquoi nous avons de bonnes raisons de croire à l’historicité des évangiles et à la fiabilité de ces témoignages.
Toutefois, il est aussi primordial de se souvenir que les obstacles à la croyance ne sont pas toujours rationnels, mais qu’ils sont aussi, et même souvent, émotionnels. Une personne peut ne pas croire, parce qu’elle refuse, pour différentes raisons, de croire (peur d’une perte de liberté, préjugés sur Dieu, mauvaise expérience avec une religion ou une personne croyante, etc.). Dans ce cas-là, c’est d’une réconciliation dont cette personne a besoin et non d’une démonstration historique.
Note
(1) Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Paris, Seuil, 1983, p.115-116.