Qu’est-ce que le protestantisme évangélique ?

Dans ma vidéo d’introduction, je me suis présenté comme chrétien évangélique. Mais qu’est-ce que le protestantisme évangélique ? C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.

Evangéliste ou évangélique ?

Tout d’abord, il faut revenir sur une confusion souvent faite par les journalistes : entre évangélique et évangéliste. Les évangélistes sont soit les auteurs des quatre évangiles, soit des missionnaires protestants. En revanche, lorsque l’on veut parler des adeptes du protestantisme évangélique, il faut bien dire protestants évangéliques.

Les différents sens du mot « évangélique »

Le terme d’évangélique a lui-même différents sens. Avant l’arrivée du protestantisme, il désignait les membres des groupes qui, au sein de l’Eglise latine, souhaitaient réformer celle-ci pour qu’elle soit plus fidèle à la Bible. Les membres du cercle de Meaux par exemple, étaient désignés comme évangéliques (certains sont d’ailleurs devenus protestants par la suite).

Parfois, le terme d’ « évangélique » est aussi synonyme de « protestant ». C’est le cas notamment dans les pays de tradition protestante. En Allemagne, la principale Eglise protestante s’appelle Evangelische Kirche in Deutschland. Toutefois, lorsque l’on traduit son nom en français, il est préférable de traduire « evangelische » par « protestant » plutôt qu’ « évangélique ». En effet, pour éviter les confusions on a maintenant tendance à réserver le terme d’ « évangélique(s) » aux protestants évangéliques.

Enfin, le terme « d’évangélique » peut-être utilisé comme l’opposé de « libéral ». Cependant, là encore, il faut mieux utiliser le terme de « confessant » ou « orthodoxe » pour éviter les confusions et réserver le terme d’ « évangélique » à la confession protestante évangélique.

Qu’est-ce que le protestantisme évangélique ?

On en vient donc à la question centrale : comment définir le protestantisme évangélique ? Il existe au sein du protestantisme une multitude de dénominations. Néanmoins, on peut identifier deux courants principaux issus des deux grandes Réformes protestantes : la Réforme magistérielle et la Réforme radicale.

La Réforme magistérielle a conduit au courant luthéro-réformé, tandis que la Réforme radicale a justement abouti à ce que l’on appelle aujourd’hui le protestantisme évangélique.

La distinction entre ces deux courants se fait sur deux points doctrinaux qui touchent en fait à l’ecclésiologie (la conception de l’Eglise) :

  1. Les relations entre l’Eglise et l’Etat
  2. L’âge d’admission au baptême

Le courant luthéro-réformé était favorable à l’union de l’Eglise et de l’Etat et au baptême des enfants (pédobaptisme), tandis que le courant évangélique défend les positions adverses et prône au contraire la séparation des Eglises et de l’Etat et le baptême des croyants (crédobaptisme).

Ces deux points peuvent paraître très différents mais renvoient en réalité deux conceptions différentes de l’Eglise. Les Eglises luthéro-réformées sont des Eglises de multitude (multidinistes), tandis que les Eglises évangéliques sont des Eglises de professants.

Dans le monde évangélique, il y a l’idée que l’appartenance à l’Eglise est un choix personnel. Par conséquent, il faut refuser tout ce qui peut pousser l’individu à adhérer à une Eglise sans être réellement « converti ». C’est ce principe qui explique le refus du baptême des enfants et de l’union Eglise-Etat.

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Un peu d’histoire

Enfin, pour terminer, il faut revenir sur l’origine des Eglises évangéliques. Contrairement à ce que l’on entend parfois les Eglises évangéliques ne sont pas des « néo-protestants » issus du monde anglo-saxon qui seraient venus après les Eglises protestantes dites « historiques » (luthérienne et réformée).

Les évangéliques sont présents dès les origines de la Réforme. Les documents historiques attestent de leur présence en Suisse au début des années 1520 et on peut retenir comme événement fondateur les exécutions de leurs premiers martyrs par les réformateurs zurichois.

La ville de Zürich, rapidement passée à la Réforme, était à cette époque sous l’influence d’Ulrich Zwingli. Toutefois, certains protestant (« les évangéliques ») étaient opposés au gouvernement de la ville à cause des deux points évoqués précédemment : ils étaient contre le baptême des enfants et ne baptisaient que les adultes et ils prônaient la séparation de l’Eglise (réformée) et de l’Etat.

Les magistrats de la ville les ont alors mis en accusation en insistant surtout sur le premier point, le refus du baptême des enfants, car celui-ci choquait la plupart des chrétiens de l’époque. Le 7 mars 1526, Zwingli déclare que le refus de baptiser les enfants est un crime punissable de mort. Quelques mois plus tard, le 7 janvier 1527, un des responsables anabaptistes, qui était le nom que l’on donnait aux évangéliques de l’époque, Félix Manz, est alors exécuté.

Les bourreaux réformés, qui ne manquaient pas d’humour (noir), l’ont d’ailleurs condamné à la noyade en prononçant la phrase suivante : « Par l’eau il a péché (allusion à son refus de baptiser les enfants), par l’eau il doit être puni (d’où l’exécution par noyade)».

A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.