Survol historique des évolutions du mariage

Pour débuter cette série sur le mariage, je vous propose de survoler son histoire pour prendre connaissance des principales évolutions de cette institution au cours du temps.

Les temps bibliques : institution divine et législation humaine

L’institution du mariage trouve son origine dans les premiers chapitres de la Genèse, juste après la création de l’homme : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » (Genèse 2 : 24).

Ce verset est à la fois complet et très simple puisqu’il définit précisément ce qu’est le mariage, qui procède de la séparation du foyer parental et de l’union unique et irrévocable avec un autre individu de sexe opposé, cette union permettant de fonder un nouveau foyer. Aucune autre règle précise n’est transmise : ni présence d’une tierce personne, ni cérémonie officielle ou bénédiction particulière. Enfin, dernier détail important, l’homme est actif dans la démarche. C’est lui qui quitte « son père et sa mère », sans qu’il ne soit dit mot du rôle des parents dans le choix du conjoint.

Nous voyons ensuite qu’à l’époque des patriarches (Abraham, Isaac, etc.), le mariage est avant tout une affaire de famille. La loi de Moïse est le premier jalon d’une législation humaine sur le mariage, puisqu’elle autorise le divorce, en contradiction avec le commandement divin de l’indissolubilité.

« Jésus leur dit : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a donné ce précepte. Mais au commencement de la création, Dieu fit l’homme et la femme; c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint. Lorsqu’ils furent dans la maison, les disciples l’interrogèrent encore là-dessus. Il leur dit: Celui qui répudie sa femme et qui en épouse une autre, commet un adultère à son égard ; et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. » Marc 10 : 5-12.

Le mariage dans l’Antiquité : une affaire privée

Comme au temps des patriarches, le mariage dans la Rome antique était une affaire privée qui concernait les familles. A l’époque de Jésus, l’empire romain s’étendait sur l’ensemble du bassin méditerranéen, mais cette unité politique n’impliquait pas nécessairement une unité juridique absolue. Si le droit romain s’imposait dans certains domaines, dans d’autres, et notamment pour la question du mariage, les Romains laissaient subsister le droit et les coutumes locales.

Chez les Grecs, par exemple, le mariage était un acte privé, qui engageait les familles sans intervention des pouvoirs publics (Cité ou religion civique). On faisait appel à une entremetteuse, puis un engagement était passé entre le jeune homme et le tuteur de la jeune femme. On  remettait ensuite la femme à son mari. Pour cela, on organisait un repas. Cette remise était souvent accompagnée de rituels religieux : sacrifice d’une mèche de cheveux ou de jouets aux déesses vierges, etc. La soirée se terminait avec une procession grivoise vers la chambre nuptiale, tandis que les festivités se prolongeaient les jours suivants. Le mariage romain se déroulait de manière assez similaire.

Il faut retenir que c’est le consentement des deux époux qui validait officiellement le mariage. Les cérémonies et les coutumes qui l’accompagnaient faisaient partie des traditions mais n’avaient juridiquement aucune valeur. De plus, aucun représentant de l’Etat n’était requis puisque l’affaire était conclue entre deux familles et restait dans la sphère privée, même si des manifestations, et notamment la procession, pouvaient se dérouler sur la voie publique.

La cléricalisation progressive du mariage

C’est dans ce contexte que le christianisme apparaît au sein de l’empire romain. Dans un premier temps, les chrétiens n’ont pas cherché à se démarquer des pratiques de leur époque. Ils ont simplement repris les pratiques romaines, en supprimant les éléments les plus païens et les plus grossiers (sacrifices aux divinités, chants grivois, etc.).

Pour les Romains, seul le consentement des époux comptait. C’est aussi l’avis des Pères latins, comme Ambroise de Milan. Alors que les cérémonies se développent progressivement et que l’on voit apparaître des rituels de plus en plus sophistiqués, le pape Nicolas Ier, dans sa Lettre aux Bulgares (9e siècle), tout en encourageant la publicité du mariage et son officialisation devant l’Eglise, rappelle que le consentement des deux époux suffit à valider le mariage. Il n’y a donc besoin ni de prêtres, ni d’une quelconque cérémonie.

Il faut cependant distinguer l’Eglise occidentale et l’Eglise orientale. En Orient, la Novelle 89 de Léon le Sage (866-912) fait de la bénédiction une condition nécessaire de la validité du mariage. Le prêtre est ministre du sacrement. Cela est encore vrai aujourd’hui pour les Eglises orthodoxes de tradition byzantine, contrairement à l’Eglise romaine. En Occident, les choses évoluent au Bas Moyen Age. Plusieurs conciles médiévaux ont encouragé le mariage public à l’église pour lutter contre l’inceste. Dans son canon 51, le concile de Latran interdit « le mariage clandestin » pour le même motif. Cette prise de contrôle du mariage par l’Eglise trouve son aboutissement au concile de Trente avec le décret Tametsi.

Nous voyons donc qu’au cours de cette période le mariage s’est cléricalisé en passant de la sphère privée (domaine familiale) à la sphère publique (contrôle ecclésial).

Sécularisation et mise sous tutelle étatique

Dès la fin du Moyen Age s’amorce un processus général de sécularisation. Le pouvoir de l’Eglise sur la société recule progressivement au profit de l’Etat. Cette sécularisation n’est pas l’œuvre de la Révolution française, au contraire, celle-ci n’en est que la conséquence et l’aboutissement. Cette lutte de pouvoir, qui concerne tous les domaines, a eu un impact direct sur le mariage.

Puisque l’Eglise avait pris le contrôle du mariage, et que celle-ci se retrouve peu à peu remplacée par l’Etat, c’est donc tout naturellement l’Etat qui finit par s’approprier la régulation du mariage. Sans fournir une liste exhaustive, retenons que ce processus trouve son aboutissement dans le code civil de 1804 : Le mariage est désormais un acte laïcisé : « célébré publiquement devant l’officier civil du domicile de l’une des deux parties » (art. 165)  et « l’acte de célébration inscrit sur les registres de l’état civil » en est la seule preuve (art. 194). L’article 54, impose que le mariage civil précède le mariage religieux, qui n’a depuis lors plus de caractère officiel. L’article 144 fixe comme limite d’âge 18 ans pour les garçons et 15 ans pour les filles.

L’Etat a remplacé l’Eglise, l’officier civil a remplacé le prêtre et le mariage religieux est devenu un contrat civil.

Conclusion

Ce bref survol historique nous a permis de comprendre comment le mariage, institué à l’origine par Dieu, est progressivement devenu un contrat civil régi par l’Etat. En tant que chrétiens, pouvons-nous accepter cette définition ? C’est ce que je vous proposerai d’examiner dans le prochain article.

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A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.