Aujourd’hui j’aimerais partager quelques réflexions autour d’un verset coranique. Ce verset est un de mes préférés car non seulement il révèle une des différences majeures entre le christianisme et l’islam, mais il soulève aussi la question centrale qui concerne tous les êtres humains : leur relation à Dieu.
Examinons tout d’abord ce verset et voyons la réponse proposée par la Bible. Cela nous permettra ensuite d’étudier le rapport à Dieu proposée par chacune de ces deux religions (christianisme et islam).
Dieu et ses enfants
« Les Juifs et les Chrétiens ont dit : « Nous sommes les fils d’Allah et Ses préférés. » Dis (Ndl : c’est Dieu qui s’adresse à Muhammad): « Pourquoi donc vous châtie-t-Il pour vos péchés? » En fait, vous êtes des êtres humains d’entre ceux qu’Il a créés. Il pardonne à qui Il veut et Il châtie qui Il veut. Et à Allah seul appartient la royauté des cieux et de la terre et de ce qui se trouve entre les deux. Et c’est vers Lui que sera la destination finale. » Coran 5 : 18
On comprend ce qui pose problème : l’affirmation des juifs et des chrétiens d’être « fils de Dieu ». Cette affirmation est ce qui choque le plus les musulmans. Mais avant d’y revenir, voyons la réponse de la Bible.
Le raisonnement du verset est le suivant :
- Vous (les chrétiens et les juifs) dites que vous êtes les fils de Dieu et même ses préférés
- Mais nous voyons que Dieu vous châtie
- Vous ne pouvez-donc pas être fils de Dieu et surtout pas « ses préférés ».
Ce verset sous-entend donc que le châtiment serait incompatible avec le statut de « fils de Dieu », voir même de « fils préférés ». Bien loin d’être gênée par cette apparente contradiction, la Bible y répond, dès la Loi de Moïse. Ainsi, à l’Israélite susceptible d’être désobéissant, il est dit :
« Reconnais en ton coeur que l’Éternel, ton Dieu, te châtie comme un homme châtie son enfant » (Deutéronome 8 : 5).
Ce principe se retrouve tout au long de la Bible, citons sa reprise et son développement dans l’Epître aux Hébreux (12 : 5-10):
« Et vous avez oubliez l’exhortation qui vous est adressée comme à des fils: Mon fils, ne méprise pas le châtiment du Seigneur et ne perds pas courage lorsqu’il te reprend; car le Seigneur châtie celui qu’il aime et il frappe de la verge tous ceux qu’il reconnaît pour ses fils. Supportez le châtiment: c’est comme des fils que Dieu vous traite; car quel est le fils qu’un père ne châtie pas? Mais si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes donc des enfants illégitimes, et non des fils. D’ailleurs, puisque nos pères selon la chair nous ont châtiés, et que nous les avons respectés, ne devons nous pas à bien plus forte raison nous soumettre au Père des esprits, pour avoir la vie? Nos pères nous châtiaient pour peu de jours, comme ils le trouvaient bon; mais Dieu nous châtie pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté. »
Ces quelques versets constituent une magnifique réponse, écrite cinq siècles plus tôt, à l’objection coranique. Toutefois derrière cette objection se cache un des problèmes de fond qui sépare le christianisme et l’islam : la relation à Dieu.
La relation à Dieu
En effet, dans l’islam le croyant est simplement l’esclave de Dieu. Mais cela pose une question : pourquoi un Dieu Tout-Puissant aurait-Il besoin d’esclaves ? Les esclaves ne sont utiles qu’à des gens limités pour satisfaire leur besoin.
Ce rapport de maître à esclave(s) n’est pas absent de la Bible, mais Jésus nous révèle que Dieu veut aller plus loin et qu’Il ne se contente pas d’esclaves puisqu’Il veut des fils. C’est là le but de la création :
« Ainsi donc, frères, nous ne sommes point redevables à la chair, pour vivre selon la chair. Si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si par l’Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez, car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions: Abba! Père! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers: héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être glorifiés avec lui. J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, -non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, – avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. » (Romains 8 : 12-22).
Lorsque les disciples demandent à Jésus de leur apprendre à prier, il leur révèle qu’il faut s’adresser à Dieu en l’appelant « Père » :
« Voici donc comment vous devez prier: Notre Père qui es aux cieux! Que ton nom soit sanctifié; que ton règne vienne; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien; pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen! »
Conclusion
La relation filiale n’est pas absente de l’Ancienne Alliance et la Bible montre que Dieu traitait déjà les Israélites comme ses enfants. Les Juifs contemporains de Muhammad en étaient d’ailleurs conscient, comme en témoigne le verset du Coran cité tout au début. Mais c’est sous la Nouvelle Alliance que cette révélation prend toute son ampleur.
Dans le christianisme, nous ne sommes donc plus simplement dans une relation de maître à esclave, mais aussi, et bien plus, de Père à fils. Un des grands problèmes de l’islam, avec la négation de la crucifixion, est précisément de remettre en cause cette relation.