« Et l’homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs; mais, pour l’homme, il ne trouva point d’aide semblable à lui. Alors l’Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme.» Genèse 2 : 20-22.
Dans un article précédent, j’ai eu l’occasion d’évoquer la civilisation sumérienne et sa littérature. J’aimerais maintenant montrer, à partir de quelques exemples, en quoi ces textes peuvent nous permettre de mieux comprendre le contexte biblique.
Dilmun
Comme premier exemple, j’ai choisi un poème sumérien intitulé Enki et Ninhursag, qui nous présente un jardin originel, Dilmun.
Le texte qui nous est parvenu est composé de 278 lignes, inscrites sur une tablette à six colonnes. Ce poème nous parle d’un paradis destiné, non aux hommes mais aux dieux. C’est un pays « pur », «propre » et « brillant », un « pays des vivants », qui ne connaît ni la maladie ni la mort. Il manque toutefois quelque chose à Dilmun : l’eau douce, indispensable aux animaux et aux plantes.
Enki, le grand dieu sumérien de l’eau, ordonne donc à Utu, le dieu du soleil, de faire sortir l’eau douce de la terre et d’en arroser abondamment le sol. Dilmun devient ainsi un jardin luxuriant.
Ninhursag, la déesse mère des Sumériens donne naissance à trois générations de déesses, engendrées par le dieu de l’eau. Il est d’ailleurs précisé que ces accouchements se sont faits sans douleur. Ensuite, Ninhursag décide de créer huit plantes. Enki, voulant les goûter, envoie son messager Isimud les lui chercher. Celui-ci obéit et rapporte les plantes à Enki qui les mange.
Cet acte suscite la colère de Ninhursag qui maudit Enki et le voue à la mort, avant de disparaître. La santé d’Enki commence alors à décliner et huit parties de son corps sont atteintes par la maladie. Les autres grands dieux insistent impuissants à la disparition progressive d’Enki.
C’est alors qu’un mystérieux personnage apparaît, le Renard. Celui-ci propose de faire revenir, moyennant récompense, Ninhursag. Une partie du texte est ensuite perdu, nous ne savons donc pas comment il s’y est pris. Cependant, nous savons qu’il a réussi, puisque la suite du texte conservée nous montre que Ninhursag est revenue. Celle-ci entreprend alors de guérir Enki en créant pour chaque partie malade une déesse capable de la guérir. Or, parmi ces huit parties, on trouve la côté :
« Mon frère, où as-tu mal ?
Ma côte me fait mal.
A la déesse Ninti j’ai donné naissance pour toi. »
Pour guérir la côte, Ninhursag crée une déesse appelée « Ninti ». En effet, en sumérien, la côte se dit « ti ». Ninti, veut donc dire « la Dame de la côte ». Mais, ce qui est intéressant, c’est que le mot sumérien « ti » signifie également « faire vivre ». Ainsi, la « Dame de la côté » est aussi « la Dame qui fait vivre », ce qui est finalement synonyme de « la Mère des vivants ».
Eve et Sumer
Il semble que ce soit un dominicain, le R.P. Vincent Scheil, o.p. qui a, le premier, fait le rapprochement entre ce poème sumérien et la Genèse. Outre, les nombreux points de contact que l’on peut constater entre ces deux récits, il pense en effet que le fait que dans la Bible Eve soit tirée de la côté d’Adam puisse provenir de ce jeu de mot sumérien, qui n’est toutefois plus compréhensible en hébreu. Il faut noter que, de manière indépendante, Samuel Kramer a émis la même hypothèse en 1945.
Conclusion
Je suis personnellement assez réticent au comparatisme, car cette méthode tombe souvent dans de nombreux excès. Toutefois, dans ce cas précis, l’hypothèse ne me paraît pas improbable et c’est pour cela que j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de la partager.
Je présenterai d’autres textes dans de prochains articles.
Bibliographie
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