Précision : Cet article a été écrit avant l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. Cependant, le média à qui je l’avais envoyé ne l’a pas diffusé. J’ai finalement décidé de l’éditer sur mon propre blog suite au communiqué diffusé par Madame Marine Le Pen qui demande notamment la « fermeture des mosquées salafistes ». Cet acte politique n’est toutefois pas partisan. Je ne souhaite pas attaquer ou défendre un parti particulier mais simplement exprimer ma conviction sur ce sujet précis. (Fin de la précision).
Les faits
Le dépôt, et le rejet, récent de deux amendements à la prorogation de l’état d’urgence ont créé une polémique relayée sur les réseaux sociaux par un certain nombre de chrétiens. Ces articles mettent en avant le fait que le gouvernement a « refusé de fermer les mosquées salafistes ». Avant d’en venir au cœur du sujet, j’aimerais d’abord préciser un point sur l’affaire en elle-même.
Comme souvent avec ce genre de nouvelles, les faits réels sont rapidement déformés, de tel sorte que les informations diffusées deviennent fausses. En réalité, le terme « salafiste « n’est jamais mentionné dans cet amendement, comme on peut le constater sur le site de l’Assemblée Nationale. La formulation officielle est la suivante : « la fermeture de tout lieu de culte lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu de culte constitue une menace pour l’ordre public ». Or, comme le signale un journaliste, cet amendement a été rejeté tout simplement parce que la loi française contient déjà des dispositions similaires.
Naissances d’un slogan et d’une polémique
Revenons à l’expression « mosquée salafiste ». Celle-ci provient d’un discours de Christian Jacob où il demande : « la fermeture immédiate, par les préfets, des mosquées salafistes dans lesquelles nos valeurs sont piétinées». La phrase est d’ailleurs ambiguë puisqu’en fonction de la ponctuation choisie, on obtient deux sens différents : Monsieur Jacob veut-il dire que toutes les mosquées salafistes piétinent nos valeurs et doivent donc être fermées ? Ou alors réclame-t-il, parmi les mosquées salafistes, la fermeture de celles qui piétinent nos valeurs ? C’est visiblement le second sens qui a été retenu et relayé par les cyber-militants qui ne parlaient plus que d’un amendement visant à « fermer les mosquées salafistes ».
Quoiqu’il en soit, j’aimerais maintenant aborder la question de fond qui a été soulevée : est-il pertinent de vouloir lutter contre le salafisme en proposant de fermer leurs mosquées ? Outre le fait que cette idée va à l’encontre de la laïcité définie par la loi française, il me semble qu’elle peut aussi être très dangereuse pour les évangéliques, et c’est ce que j’exposerai brièvement ici.
Le(s) salafisme(s)
Le salafisme est un courant fondamentaliste qui prône le retour aux origines de l’islam. Ce mouvement est bien sûr divers. Sans entrer dans tous les détails, on peut cependant distinguer deux grands courants au sein du salafisme : le courant quiétiste et le courant jihadiste.
Ces deux courants ont globalement le même but. Par ailleurs, sur de nombreux points, ils ont aussi la même interprétation du Coran et donc la même application. Toutefois, ils diffèrent sur une question essentielle : le moyen de parvenir à ce but. Pour les premiers, c’est par la parole qu’il faut diffuser l’islam, tandis que les seconds associeront aussi les armes.
La liberté religieuse
Or, vouloir interdire le « salafisme » dans son ensemble sans tenir compte de cette distinction me paraît très dangereux. On peut trouver la doctrine salafiste choquante, éloignée de nos valeurs et de notre culture, mais tant que les salafistes respectent le « jeu laïc », il n’y a aucune raison de limiter leur liberté de culte.
Bien au contraire, si l’Etat commence à réglementer les cultes en interdisant ceux qu’il juge « trop extrêmes » dans leurs enseignements, cela risque de créer un précédent dans la jurisprudence qui pourrait, à terme, nuire aux chrétiens. On peut facilement imaginer que certaines valeurs bibliques allant à l’encontre de l’opinion dominante soient à leur tour cataloguées « d’extrêmes » et puissent entrainer la fermeture d’églises.
Conclusion : L’Etat, les religions et les citoyens
En conclusion, je pense que lutter contre le « salafisme » en voulant s’appuyer sur l’Etat est une erreur. La seule limite que l’Etat doit imposer est celle de la violence à autrui. En ce sens, la lutte contre le discours jihadiste est légitime. Mais cela est déjà prévu par la loi actuelle.
Pour le reste, l’Etat doit s’en tenir à une neutralité libérale, garantissant à chacun le droit de pratiquer sa religion, mais aussi d’essayer de convaincre l’autre de la vérité de celle-ci. C’est ensuite aux individus de chaque conviction de défendre la leur… par la parole et le dialogue.