Histoire humaine et révélation divine

En ce moment, je regarde beaucoup de débats islamo-chrétiens et je remarque que ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent : Trinité, divinité de Jésus, salut etc.

Il y a pourtant un sujet qui est presque complètement oublié, mais qui me paraît essentiel, c’est celui de la conception de l’histoire et du rapport entre l’histoire humaine et la révélation divine.

Ce sujet est peu abordé, car cette divergence n’est certainement pas la plus visible, pourtant elle est une des plus profondes, car elle en entraine beaucoup d’autres (dont celles évoquées en introduction). C’est ce que j’aimerais expliquer dans cet article.

Vision musulmane

D’un point de vue musulman, la révélation divine est complète dès les origines. Chaque messager a alors pour but d’annoncer ce message aux peuples qui ne l’ont pas encore reçu ou alors de le rappeler aux peuples qui l’ont corrompu.

Ainsi Muhammad n’a jamais prétendu apporter une révélation nouvelle, mais seulement rappeler ce qui avait été annoncé par les prophètes qui l’ont précédé, notamment Moïse et Jésus. Les divergences entre le message de Muhammad et ceux de Jésus ou Moïse s’expliquent par le fait que leurs messages ont été corrompus après leur mort. Muhammad a donc dû venir pour rétablir le vrai message.

Vision chrétienne

Dans le christianisme, au contraire, il y a l’idée que la révélation progresse au cours du temps. Les Pères de l’Eglise ont parlé de « préparation évangélique », tandis que moi-même j’ai employé l’expression de « révélation progressive ». Les deux termes sont différents, mais l’idée est la même.

Avant Jésus, Moïse et les prophètes ont préparé le terrain. Mais la révélation de Dieu qu’ils apportaient n’était pas complète. Seul Jésus est la pleine révélation.

Et après la venue de Jésus ?

La question qui se pose ensuite aux chrétiens est de savoir si cette révélation peut progresser après Jésus. Certains pensent que l’Eglise était déjà parfaite au commencement et qu’il faut revenir à ces débuts.

D’autres, comme moi, pensent que si la révélation était bien complète, nous pouvons toujours progresser dans la compréhension de cette révélation. En ce sens, l’Eglise n’est pas appelée à regarder en arrière, mais en avant. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que nous devions ignorer l’histoire. Bien au contraire, il faut prendre en compte les apports du passé pour progresser et aller de l’avant.

Toutefois, c’est un débat entre chrétiens sur lequel je reviendrai dans de prochains articles.

Moïse, Jésus et Muhammad

Quelque soit leur avis sur ce point, les chrétiens sont cependant d’accord sur le fait que Jésus a bien apporté une nouvelle révélation par rapport aux prophètes qui l’ont précédé.

Cette vision est décisive car elle explique la plupart des différences entre chrétiens et musulmans. Lorsque les musulmans évoquent la proximité entre la loi de Muhammad et celle de Moïse et qu’ils y voient un signe de fidélité, les chrétiens y voient au contraire un signe de régression, un retour en arrière.

A titre d’exemple, on peut prendre la question du divorce ou de la polygamie. Moïse avait temporairement autorisé ces pratiques, mais Jésus a ensuite ordonné à ses disciples de revenir aux principes créationnels du mariage définis avant la chute : une union monogame et indissoluble. Ce retour s’explique par une révélation nouvelle sur le sens du mariage puisqu’il représente l’union entre Christ et son Eglise. J’y reviendrai cependant dans une autre série d’articles. Muhammad en revanche effectue un retour en arrière, puisqu’il rétablit la polygamie et le divorce.

Conclusion

Dans cet article, il me paraissait important d’attirer l’attention sur un point souvent oublié, mais pourtant capital, à savoir la différence de conception de l’histoire entre le christianisme et l’islam.

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A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.