La question de l’existence de la mort physique avant l’entrée du péché dans le monde est souvent posée dans le monde évangélique, et plus généralement parmi les chrétiens. C’est même un point central dans les débats concernant la théorie de l’évolution et sa compatibilité avec la foi chrétienne. Dans cet article, je vais t’expliquer pourquoi je pense que la mort physique existait dès l’origine de la création.
Je commencerai par présenter la position de ceux qui affirment que la mort physique est apparue après la chute et qui repose essentiellement sur un texte biblique (Romains (5: 12) et un argument moral. Puis, je t’expliquerai pourquoi je ne suis pas convaincu par cela et je te proposerai trois arguments bibliques et trois arguments scientifiques qui me conduisent à penser que la mort existait avant la chute. Ensuite, je reviendrai sur l’enjeu moral de la question. Un Dieu bon peut-il réellement intégrer la mort dans sa création ? Enfin, je terminerai en t’expliquant comment je comprends le texte de l’apôtre Paul.
I. La mort physique apparaît avec la Chute
Un argument biblique et un argument moral soutiennent la position que la mort est apparue avant la chute.
L’argument biblique repose sur l’affirmation de Paul : « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché » (Romains 5 : 12). Le texte paraît assez simple. Un homme, Adam, a péché et ce péché à entrainer l’arrivée de la mort dans le monde. Par conséquent, la mort physique n’existait pas dans le monde avant le péché d’Adam.
L’argument moral quant à lui, consiste à affirmer que Dieu n’aurait pas pu créer un monde qui intégrerait la mort physique dès l’origine. Car, dans ce cas-là, ce monde ne serait ni bon, ni parfait.
II. Trois arguments bibliques pour une existence de la mort avant la Chute
Je vais maintenant te présenter trois arguments bibliques, qui montrent, selon moi, que la mort physique existait avant la Chute.
Tout d’abord concernant le verset cité. Il faut noter que si on suit la lecture proposée, on doit conclure que le péché est entré dans le monde avec la chute d’Adam. Or, le texte de la Genèse nous indique clairement le contraire, puisque la chute d’Adam, n’est que la conséquence du péché d’Ève, qui est lui-même la conséquence du péché du serpent. Avec la désobéissance d’Ève et la rébellion du serpent, le péché était donc présent dans le monde avant même le péché d’Adam.
Deuxièmement, lorsque Dieu s’adresse à Adam, avant sa faute, il l’avertit qu’en cas de désobéissance, il mourra : « L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Genèse 2 : 16-17). Si la mort n’existait pas à ce moment-là, comment Adam aurait-il pu comprendre la parole de Dieu ? La mise en garde de Dieu n’aurait eu aucun sens pour Adam. Pour qu’Adam comprenne ce que Dieu lui disait, il fallait nécessairement qu’il sache ce qu’était la mort. Et pour savoir ce qu’était la mort, il fallait que celle-ci existât.
Troisièmement, avant même le péché Dieu prévoit la multiplication des espèces. Or, on peut difficilement imaginer l’existence d’un processus de reproduction, sans concevoir parallèlement l’existence d’un processus d’élimination. Sans l’existence d’un processus d’élimination, la Terre serait très vite devenue invivable. Si la reproduction des êtres humains existait dès l’origine, cela implique que leur disparition était aussi prévue. D’ailleurs, sans disparition, la reproduction n’a pas lieu d’être. C’est pour cette raison qu’au ciel, il n’y aura plus de mariage.
III. Trois arguments scientifiques pour une existence de la mort avant la Chute
Après les arguments bibliques, je te propose trois arguments scientifiques.
Le premier, c’est que le refus d’une mort physique implique nécessairement de croire à une Terre Très-Jeune (moins de 10 000 ans). Or, de nombreuses données, issues de disciplines et d’observations indépendantes, viennent contredire cela. Pour approfondir ce sujet, je te recommande le livre (en anglais) de mon ami Antoine Bret : The World is Not Six Thousand Years Old-So What ?
Le deuxième, c’est que de nombreux fossiles, bien antérieurs à l’apparition des premiers êtres humains, ont été découverts. Or, tous ces êtres vivants sont bien physiquement morts, avant même l’apparition de l’être humain.
Le troisième, c’est que lorsque l’on étudie les écosystèmes, on est frappé par leur équilibre minutieux. Or, la mort est directement liée à cet équilibre. Il est difficile d’imaginer que tout cela ne soit qu’accidentel ou une simple conséquence d’un déséquilibre. Bien au contraire, tout témoigne d’un équilibre profond, divin oserais-je dire.
III. Réponse à l’objection morale
Finalement, on peut se demander si la principale objection n’est pas le problème moral que cela peut poser. L’idée d’une mort présente dès la création est-elle compatible avec le Dieu bon que nous présente la Bible ? Je pense que l’on peut répondre oui, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il faut noter que dans la Bible, la mort n’est pas toujours associée à un côté négatif. Au contraire, Jésus affirme que la mort peut être féconde, et il s’appuie pour cela … sur la création : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12 : 24). La mort peut donc être féconde, la création elle-même nous l’enseigne.
Deuxièmement, il faut tenir compte que ce monde ci est temporaire et prépare à une réalité plus glorieuse. Or, cela est même vrai avant la chute. L’apôtre Paul est très clair : « C’est pourquoi il est écrit : Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un esprit vivifiant. Mais ce qui est spirituel n’est pas le premier, c’est ce qui est animal ; ce qui est spirituel vient ensuite. Le premier homme, tiré de la terre, est terrestre ; le second homme est du ciel. Tel est le terrestre, tels sont aussi les terrestres ; et tel est le céleste, tels sont aussi les célestes. Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste. » (1 Corinthiens 15 : 45-49).
La nouvelle création, qui est spirituelle, est supérieure à l’ancienne création, qui est terrestre et ce, même avant la Chute. En ce sens, il ne me paraît pas insensé, ni immoral, d’imaginer que Dieu ait pu permettre la présence de souffrances temporaires en vue d’une gloire éternelle. Car comme le dit l’apôtre Paul, « les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. » (Romains 8 : 18). La nouvelle création en Christ, qui commence à se révéler dès maintenant, est supérieure à l’ancienne création. Nous ne sommes pas appelés à retourner à la situation originelle, qui était une réalité terrestre, mais au contraire à tendre vers les nouvelles réalités célestes.
IV. La parole de Paul
Pour terminer, j’aimerais revenir sur le verset cité tout au début et t’expliquer pourquoi je pense qu’il n’implique pas la négation de l’existence de la mort physique avant la chute : « C’est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché » (Romains 5 : 12).
Je pense que la mort physique existait dès l’origine. En revanche, elle n’avait pas cette dimension dramatique que l’on connaît aujourd’hui. La mort physique était simplement le passage d’un monde à l’autre. La fin d’une existence temporaire, vers une existence éternelle.
Toutefois, depuis la chute, la mort physique est devenue le symbole de la mort spirituelle, c’est-à-dire de la séparation entre Dieu et l’homme. Les propos de l’apôtre sont d’ailleurs à replacer dans le contexte général de sa démonstration, où il fait un parallèle entre la mort apportée par Adam et la vie apportée par Jésus. Or, pour profiter de cette vie, nous sommes appelés à passer par la mort, afin de marcher dès ici-bas « en nouveauté de vie » (Romains 6 : 4). Or, cette résurrection et cette vie éternelle, que nous vivons dès maintenant, ne nous empêche pas de passer par une mort physique.
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Version vidéo
Point de vue différent
La mort : un ingrédient originel de la création ? (LeBonCombat)
L’absence de souffrance avant Adam (La Revue Réformée)
Pourquoi une Terre jeune est nécessaire pour une saine théodicée (Bibleetsciencediffusion)
Informations complémentaires
Science et Foi : sur la compatibilité entre la théorie de l’évolution et le foi chrétienne