On désigne par le terme d’« agrapha », pluriel d’« agraphon », qui veut dire en grec « non-écrit », les paroles de Jésus qui ne sont pas contenues dans les quatre évangiles canoniques (Matthieu, Marc, Luc et Jean).
Les débuts de la recherche
A côté des paroles de Jésus contenues dans nos évangiles, les premiers chrétiens avaient aussi parfois l’habitude d’en citer d’autres qui ne se trouvent pas dans ces évangiles. A l’époque contemporaine, la recherche sur ces paroles a commencé à la fin du 19esiècle. En 1889, Alfred Resch édite une première collection d’agrapha. Par la suite, J.H Ropes reprend ce travail et le poursuit en deux étapes. Tout d’abord, il commence par éliminer les faux agrapha, c’est-à-dire toutes les paroles qui n’étaient pas attribuées à Jésus. Il en élimine 84. Quant aux 72 restants, il les classe en trois catégories en fonction de leur degré d’authenticité : ceux qui n’ont aucune valeur historique (44), ceux qui ont une valeur moyenne ou discutable (13), et ceux qui ont une valeur importante ou probable (14).
Les premières sources
Au départ, les agrapha se rencontrent dans trois sources principales : les apocryphes du Nouveau Testament, les écrits des Pères de l’Église et les textes liturgiques. Mais à la fin du 19esiècle, des découvertes archéologiques apportent une quatrième source importante : les papyri.
Les découvertes papyrologiques
La première découverte importante a lieu en 1897 dans la zone d’Oxyrhynque. Il s’agit d’un papyrus, que l’on a nommé Oxyrhynchus-Papyrus 1 et que l’on a daté d’environ 200, sur lequel figure six paroles de Jésus. Trois sont connues et proviennent des évangiles (Lc 6 : 42 ; Lc 4 : 24 et Mt 5 : 14), mais trois autres sont inconnues. Six ans plus tard, les mêmes archéologues découvrent deux nouveaux papyri, qui reçoivent les numéros 654 et 655, sur lesquels figurent de nouvelles paroles de Jésus.
Le mystère de la provenance de ces paroles n’a été résolu que quelques décennies plus tard, lors des découvertes de Nag Hammadi, puisque l’on s’est alors rendu compte que ces paroles de Jésus, inconnues jusque-là, provenaient en fait de l’évangile de Thomas. Mais entretemps d’autres papyri ont encore été découverts.
La situation aujourd’hui
Il faut tout d’abord souligner que le premier agraphon se trouve dans le texte biblique lui-même, en Actes 20 : 35. En effet, Paul cite ici une parole de Jésus inconnue des évangiles. A cet agraphon, il faut ajouter certains versets contenus dans des manuscrits bibliques qui ne se trouvent pas dans les textes les plus anciens. Les deux cas les plus célèbres, et les plus importants, sont la péricope de la femme d’adultère (Jn 7 : 53-8 : 11) et la finale longue de Marc (Mc 16 : 9-20). Outre, les quatre sources mentionnées précédemment, il faut aussi ajouter que l’on peut trouver des agrapha dans les sources juives et islamiques.
Authenticité des agrapha
La question que l’on peut maintenant se poser est celle de l’authenticité de ces paroles attribuées à Jésus. Joachim Jeremias, qui a repris le dossier dans les années 1960, propose de les classer en neuf catégories :
- Inventions tendancieuses des paroles du Seigneur
- Modifications tendancieuses
- Inventions légendaires
- Attributions erronées
- Attributions délibérées
- Altération des paroles du Seigneur tirées des évangiles canoniques
- Transformation des récits évangéliques en paroles de Jésus
- Compositions artificielles
- Paroles dont l’authenticité est possible, voire probable
On voit donc que sur ces neuf catégories, il y en a au moins huit qui regroupent de fausses paroles de Jésus, et il faut préciser que la grande majorité des agraphase situe dans la première catégorie. Ce sont des paroles inventées tardivement pour justifier des doctrines, qui sont d’ailleurs souvent en contradiction avec les évangiles que nous avons. J’en parlerai plus en détail, lorsque j’aborderai la question des apocryphes du Nouveau Testament.
A côté de ces inventions malveillantes, on peut voir qu’il y a beaucoup de possibilités d’erreurs et la plupart des agraphan’ont donc aucune valeur historique.
Toutefois, il existe malgré tout quelques exceptions qu’il peut être intéressant de présenter et c’est ce que je ferai dans de prochains articles.
Bibliographie
Jeremias, J. (1970). Paroles inconnues de Jésus (Trad. Fr. : R. Henning). Paris : Le Cerf.
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