Une question philosophique qui se pose depuis bien longtemps est de savoir si l’Histoire a un sens et si oui quel est ce sens ? Diverses réponses ont pu être apportées par les chrétiens et les non-chrétiens.
Pour certains, l’histoire n’a pas de sens précis. Soit elle résulte du hasard et des décisions humaines et elle avance vers un but indéterminé. Soit il peut exister un but, mais cela n’est qu’une réalisation eschatologique et, sur Terre, l’Histoire en elle-même n’a pas vraiment de sens : ni déclin, ni progrès.
Beaucoup de chrétiens ont aussi une vision très négative de l’histoire. Pour eux, l’humanité décline et notre histoire se terminera par une catastrophe géante (règne de l’Antéchrist, dictature mondiale). C’est seulement à ce moment que Jésus se manifestera et règlera tous les problèmes. On peut parler de cette vision comme un « salut eschatologique », puisque la solution viendra d’une intervention exceptionnelle Dieu.
De mon côté, je suis totalement opposé à cette vision des choses et je pense au contraire que le Salut est progressif. C’est là tout le sens de l’Histoire. Pour comprendre cette position, il faut revenir aux questions fondamentales : Pourquoi Dieu a créé à l’homme ? Quel plan a-t-Il pour lui ? Comment le réalise-t-Il ?
La création de l’homme
L’homme a été créé à l’image de Dieu, mais il n’était alors qu’un enfant spirituel. Dieu souhaitait que cet homme grandisse et devienne véritablement un fils. L’homme s’est cependant révolté contre Dieu, c’est ce que l’on appelle « la chute ». Cette chute n’a cependant pas remis en cause le plan que Dieu avait pour l’homme.
On peut donc lire toute l’histoire, et c’est ma conviction profonde, comme l’éducation de l’humanité par Dieu. L’être humain passe par différentes étapes de croissance afin d’attendre le but voulu par Dieu.
« Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions: Abba! Père! L’esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers: héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être glorifiés avec lui. » Romains 8 : 15-17.
Les quatre étapes du développement de l’humanité
Je propose de distinguer quatre grandes étapes. Il faut bien sûr garder à l’esprit que c’est une présentation simplifiée. Le but étant de comprendre le principe général énoncé.
La première étape : l’homme sans Dieu. L’humanité est dominée par le polythéisme, les religions animistes et n’a même pas conscience de l’existence d’un Dieu Unique.
La deuxième étape : La révélation de Dieu comme Maître Absolu et Seigneur. Dans cette optique, l’adhésion à Dieu et l’obéissance à ses commandements sont avant tout fondées sur la peur. Jean Delumeau a brillamment étudié la question dans le cadre de l’Occident, mais cette vision est valable pour toutes les grandes religions monothéistes : le culte mosaïque, le christianisme « enfant », le judaïsme rabbinique et l’islam.
La troisième étape : La rébellion de l’homme contre cette vision de Dieu et sa recherche de liberté. Ce sont les philosophies des Lumières, l’athéisme et tous les courants modernes qui rejettent les anciennes formes de religion.
La quatrième étape : La révélation de Dieu comme Père. L’homme découvre la vraie nature de Dieu, ce qui modifie sa relation avec Lui. Il comprend qu’Il a besoin de Lui et prend conscience que tout ce que Dieu veut est bon. Ses motivations changent. L’homme n’obéit plus à Dieu par peur de l’enfer, mais par amour pour Lui. L’homme utilise sa liberté pour revenir vers Dieu. Cela correspond à ce que j’appelle « le christianisme adulte ».
Une vision de progrès
Ma vision de l’histoire s’inscrit clairement dans une « vision de progrès ». Beaucoup de personnes pensent que celle-ci a été réfutée par les évènements du vingtième siècle. Toutefois, il me semble que cette réfutation concerne surtout une conception naïve du progrès.
Une vision progressiste de l’histoire ne prétend pas que tout va toujours en s’améliorant. Il y a des hauts et il y a des bas, mais le mouvement général de l’histoire tend bien vers un progrès. De plus, je pense que les évènements du vingtième siècle ont surtout montré l’erreur d’un progrès pensé en dehors de Dieu.
Homme individuel et homme corporatif
Le deuxième point sur lequel il faut insister c’est qu’il y a des différences d’avancement entre les individus et entre les collectivités. L’humanité avance, mais tous les groupes ne vont pas à la même vitesse. Cependant, il y a bien une tendance générale de progrès qui se dessine.
Par ailleurs, à toutes les époques et dans toutes les civilisations, il y a toujours eu des personnes en avancent sur le temps qui ont pu être plus proches de la vérité que leurs concitoyens. C’est d’ailleurs vrai à toutes les échelles. En Grèce ancienne, ou dans la Rome républicaine, certains philosophes étaient déjà parvenus au Dieu unique, tandis que la plupart de leurs concitoyens adoraient de multiples dieux. De mêmes, certains prophètes ont pu percevoir Dieu comme Père, alors que leurs coreligionnaires étaient enfermés dans une vision légaliste.
L’exemple européen
Actuellement, en Europe, par exemple, nous sommes très clairement dans la troisième phase. Beaucoup de nos concitoyens rejettent Dieu, car ils en ont une mauvaise image. Ils pensent que c’est une « hypothèse inutile » ou que les religions s’opposent à leur propre liberté.
Tout cela est dû à de mauvaises expériences avec la religion et à un héritage, personnel et historique, douloureux. Cependant, je pense aussi que petit-à-petit les gens seront amenés à découvrir une autre vision de Dieu et à comprendre qui Il est réellement.
C’est justement là toute la mission de l’Eglise. Toutefois, pour que l’Eglise puisse assurer cette mission, il faut qu’elle ait elle-même approfondi sa propre compréhension de Dieu. C’est pour cela que la réforme de l’Eglise doit précéder celle de la société.
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