Dans cet article, j’aimerais vous présenter l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée.
Eusèbe de Césarée
Eusèbe est né vers 260 et est mort aux alentours de 340. Il est donc contemporain d’un tournant majeur dans l’histoire du christianisme. Durant sa vie, il a connu trois grandes périodes de l’Eglise :
- la « petite paix » instaurée par Gallien (entre 260 et 303) durant laquelle l’Eglise a pu se développer dans une relative liberté
- puis la grande persécution de Dioclétien (de 303 à 313) qui fut le temps le plus terrible pour l’Eglise au sein de l’Empire romain
- et enfin la « paix constantinienne », à partir de 313, où le christianisme fut enfin reconnu comme religion « licite ». Les chrétiens ne furent donc plus persécutés.
Disciple de Pamphile, lui-même disciple d’Origène, Eusèbe devient prêtre vers 300, puis évêque de Césarée vers 312. Malgré son œuvre très diverse (apologétique, études bibliques, etc.) il est surtout connu comme historien de l’Eglise, même si lui-même ne se serait certainement pas défini ainsi. Ce statut est justement dû à son Histoire ecclésiastique.
Cette Histoire ecclésiastique n’est pas son premier ouvrage, il avait déjà auparavant rédigé un Recueil de récits de martyres et une Chronique. Toutefois, avec cette histoire, il inaugure un genre nouveau. Auparavant, depuis Luc, aucun chrétien n’avait tenté une telle œuvre, même si certains, comme Hégésippe ou Jules l’Africain, s’étaient déjà intéressés à l’histoire.
L’Histoire ecclésiastique
Cette Histoire ecclésiastique est capitale car elle est la source la plus importante pour l’histoire de l’Eglise des trois premiers siècles. Elle est composée de dix livres qui peuvent être répartis en trois grandes parties :
1) La première partie correspond au livre 1. Le but de ce livre est de montrer que le christianisme n’est pas une religion nouvelle mais qu’il était annoncé et attendu par les prophètes. Ce premier livre se termine avec la vie terrestre de Jésus.
2) La deuxième partie s’étend des livres 2 à 7 qui couvrent presque 3 siècles (270 ans), puisqu’ils vont jusqu’aux années 300. Eusèbe nous présente les évêques qui ont dirigé les principales Eglises (Jérusalem, Alexandrie, Rome et Antioche), les écrivains chrétiens et les évènements importants (persécutions, hérésies et conflits doctrinaux).
3) Enfin la dernière partie est composée des livres 8 à 10. C’est la période la plus contemporaine et Eusèbe décrit en détail la grande persécution de Dioclétien qui frappe si durement l’Eglise. Le dernier livre cependant est consacré à la victoire de l’Eglise.
Concernant l’historicité des évènements rapportés, en dehors de quelques erreurs de détails et parfois un manque de critique des sources, les historiens contemporains s’accordent pour dire que le livre est globalement assez fiable.
En particulier, Eusèbe cite de très nombreux textes. Beaucoup de ces textes sont perdus, et ne sont connus que par Eusèbe, toutefois lorsque que ces textes sont conservés on constate que les citations faites par Eusèbe sont toujours très fidèles.
Extrait : but de l’ouvrage
Je souhaitais vous présenter ce livre, car j’aurai, dans les articles à venir, souvent l’occasion de m’y référer. Pour terminer, j’aimerais simplement vous proposer un extrait, tiré du tout début de l’ouvrage, où Eusèbe nous présente son projet.
« Les successions des saints apôtres, ainsi que les temps écoulés depuis notre Sauveur jusqu’à nous, toutes les grandes choses que l’on dit avoir été accomplies au long de l’histoire ecclésiastique ; tous les personnages de cette histoire qui ont excellemment présidé à la conduite des plus illustres Eglises ; ceux qui, dans chaque génération, ont été par la parole ou par les écrits les ambassadeurs de la parole divine ; les noms, la qualité, le temps de ceux qui, entraînés aux dernières extrémités de l’erreur par le charme de la nouveauté, se sont fait les hérauts et les introducteurs d’une gnose mensongère et qui, tels des loups ravisseurs, ont cruellement ravagé le troupeau du Christ ; en outre les malheurs arrivés à toute la nation des Judéens aussitôt après le complot contre notre Sauveur ; la nature, la qualité, les temps des combats livrés par les nations contre la parole divine ; les grands hommes qui, selon les circonstances, ont traversé pour elle le combat par le sang et les tortures ; de plus les martyres qui ont eu lieu de notre temps et la bienveillance miséricordieuse de notre Sauveur sur nous tous : voilà ce que j’ai entrepris de livrer à l’écriture. Je ne commencerai pas autrement que par le début de l’économie de notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu.
Mais le sujet exige à mon égard l’indulgence des gens bienveillants car je confesse qu’il est au-dessus de mes forces de remplir complètement et parfaitement ma promesse. Je suis en effet le premier à tenter cet ouvrage, et m’avance pour ainsi dire sur un chemin désert et inviolé : à Dieu donc je demande d’être mon guide et à la force du Seigneur de m’assister ; car pour ce qui est des hommes qui ont suivi avant moi la même route, il ne m’est absolument pas possible d’en trouver même de simples traces, sinon seulement de faibles renseignements où ils nous ont laissé, chacun à sa manière, des récits partiels des temps qu’ils ont traversés : leurs paroles ressemblent à des flambeaux qu’ils élèvent en avant de loin, leurs cris arrivent de quelque part en haut comme d’une tour de veille difficilement visible ; ils signalent par où il faut passer pour diriger sans erreur et sans danger la marche de notre récit.
Par la suite, tout ce que j’estime utile au but indiqué, je l’ai rassemblé parmi les souvenirs qu’ils ont rapportés çà et là : comme en des prairies spirituelles, j’ai cueilli, telles des fleurs, les passages utiles des écrivains anciens ; et j’essaierai de leur donner corps dans un récit historique. Je serais heureux de sauver de l’oubli les successions sinon de tous les apôtres de notre Sauveur, du moins des plus illustres d’entre eux dans les Eglises célèbres qui sont encore aujourd’hui vivantes dans les mémoires.
Je crois faire là un travail tout à fait nécessaire car, parmi les écrivains ecclésiastiques, personne jusqu’ici, à ma connaissance, ne s’est soucié d’entreprendre une œuvre de ce genre. J’espère qu’elle apparaîtra très utile à ceux qui s’intéressent aux enseignements précieux de l’histoire. » (1)
Note
(1) Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, I, 1, 1-5.