Après avoir examiné les prophéties de Daniel (chapitre 2 et chapitres 8 & 11), je continue maintenant avec le Nouveau Testament et le texte central de Matthieu 24.
Le contexte historique
Avant d’aborder ce texte, il est nécessaire de poser trois questions fondamentales : Pourquoi ce discours ? Quelles sont les bornes chronologiques fixés par Jésus ? A qui s’adresse-t-il ?
L’interrogation des disciples
Le discours de Jésus est une réponse à une question posée par ses disciples :
« Comme Jésus s’en allait, au sortir du Temple, ses disciples s’approchèrent pour lui en faire remarquer les constructions. Mais il leur dit: Voyez-vous tout cela? Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée. Il s’assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question: Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? »
Après avoir admiré le Temple, Jésus avertit ses disciples que celui-ci (le Temple) va être détruit et c’est de cette destruction dont il leur parle. La fin de la question « quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde » ne doit pas être séparée du début de la phrase, c’est une seule et même question.
Les bornes chronologiques
Jésus fixe par ailleurs une limite chronologique très nette :
« Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive. » Matthieu 24 : 34
Or dans la Bible, une génération équivaut le plus souvent à 40 ans. Les paroles de Jésus ayant été prononcées au début des années 30 (entre 30 et 33), une génération veut donc dire que toute cette prophétie s’accomplira aux environs des années 70-73.
Les destinataires
Enfin, il est important de souligner que Jésus s’adresse aux Israélites qui vivent en Judée. Cela peut être confirmée par plusieurs versets :
« alors, que ceux qui seront en Judée fuient dans les montagnes »
« Priez pour que votre fuite n’arrive pas en hiver, ni un jour de sabbat. »
Ces deux versets nous montrent bien qu’il s’agit d’un contexte local. La fuite dans les montagnes en cas de danger est le réflexe des Judéens à cette époque, comme l’atteste par exemple Flavius Josèphe :
« Avec un détachement de son armée Cestius (ndl : le gouverneur romain de Syrie) marcha sur une ville forte de Galilée, Zabulon qui marque la frontière entre Ptolémaïs et les Judéens. Il la trouva vidée de ses habitants, car les gens s’étaient enfuis dans les montagnes. » (La Guerre des Judéens, II, 503-504)
Aujourd’hui cela serait complètement inutile. Quant à la remarque sur le sabbat, elle implique que les personnes à qui s’adresse Jésus suivent le sabbat. Cela était le cas des Judéens de l’époque de Jésus, mais ce n’est plus vrai pour les chrétiens aujourd’hui.
Ces trois éléments (la question, les bornes chronologiques et les destinataires) nous montrent sans ambiguïté que ce texte ne prédit pas une « fin du monde », comme on l’imagine souvent, mais décrit la destruction du Temple qui a effectivement eu lieu dans les délais annoncés par Jésus, en l’an 70. Cette destruction marque la fin définitive de l’Ancienne Alliance.
L’accomplissement des prophéties
Je veux maintenant vous montrer, à partir des Actes des apôtres et des écrits de Flavius Josèphe, que les différents évènements prédits par Jésus se sont effectivement accomplis. Format de l’article oblige, il ne s’agit que d’un simple survol et des textes beaucoup plus abondants pourraient être cités.
Les faux christs et les faux prophètes
« Car plusieurs viendront sous mon nom, disant: C’est moi qui suis le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens (…) Plusieurs faux prophètes s’élèveront, et ils séduiront beaucoup de gens. Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus.» (versets 5, 11 et 24)
Voilà ce qu’écrit Flavius Josèphe (La Guerre des Judéens, II, 259-263).
« Des charlatans et des imposteurs, machinant, sous couleur d’inspiration divine, révolutions et changements, prêchaient aux foules de s’abandonner aux puissances divines et les poussaient au désert, en prétendant que là Dieu leur montrerait des signes précurseurs de leur libération. Félix (ndl : procurateur de Judée de 52 à 60), qui voyait là le commencement d’une révolte, envoya un détachement de cavalerie et d’infanterie lourde, qui en extermina un grand nombre. Le faux prophète égyptien causa aux Judéens des malheurs encore plus graves. Il était arrivé dans le pays un charlatan qui s’était attribué une réputation de prophète ; il rassemble environ trente mille dupes et par un chemin détourné il les amènes du désert jusqu’à la montagne dite des « Oliviers ». De là, il était à même de forcer l’entrée dans Jérusalem et, s’il réduisait la garnison romaine, de régner en tyran sur le peuple, en prenant pour gardes du corps ceux qui auraient pénétré avec lui dans la ville. Seulement Félix devança l’attaque en venant à sa rencontre, avec les légionnaires romains, et tout le peuple se joignit à la défense. De sorte que, lors de la rencontre, si l’Egyptien réussit à s’échapper avec une poignée des siens, la plupart de ses partisans périrent ou furent faits prisonniers ; le reste de la bande se dispersa et chacun alla se cacher chez soi. »
Par ailleurs divers prodiges sont rapportés :
« Il se produisit (ndl : à Jérusalem) des signes divins de mauvais augure pour les partisans de la paix, mais qui prenaient un aspect favorable aux yeux de ceux qui avaient déclenché la guerre. » (Flavius Josèphe, La Guerre des Judéens, II, 650)
Les partisans de la guerre contre les Romains se sont donc appuyés sur des évènements surnaturels pour pousser les Judéens à la révolte. C’est cette révolte qui aboutira à la destruction du Temple.
Les guerres et les famines
« Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres: gardez-vous d’être troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la fin. Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre. Tout cela ne sera que le commencement des douleurs. » (versets 6-8)
C’est effectivement ce qui se produisit durant les 40 années qui s’écoulèrent entre la prophétie de Jésus et son accomplissement. Une famine est d’ailleurs mentionnée dans le livre des Actes :
« L’un deux, nommé Agabus, se leva, et annonça par l’Esprit qu’il y aurait une grande famine sur toute la terre. Elle arriva, en effet, sous Claude » Actes 11 : 28
Les persécutions des disciples
« Alors on vous livrera aux tourments, et l’on vous fera mourir; et vous serez haïs de toutes les nations, à cause de mon nom. Alors aussi plusieurs succomberont, et ils se trahiront, se haïront les uns les autres. Et, parce que l’iniquité se sera accrue, la charité du plus grand nombre se refroidira. Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » (versets 9-13)
Ces persécutions, ces abandons, cette haine et ce « refroidissement » sont largement attestés par les différents livres du Nouveau Testament, comme en témoignent les Actes des Apôtres, les Epîtres (et notamment celles de Paul), mais aussi l’Apocalypse.
« Viens au plus tôt vers moi; car Démas m’a abandonné, par amour pour le siècle présent, et il est parti pour Thessalonique; Crescens est allé en Galatie, Tite en Dalmatie. » 2 Timothée 4 : 9-10
L’Evangile prêché dans le monde entier
« Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin. » (verset 14)
Paul annonce que cela est accompli :
« Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés? selon qu’il est écrit: Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles! Mais tous n’ont pas obéi à la bonne nouvelle. Aussi Ésaïe dit-il: Seigneur, qui a cru à notre prédication? Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Christ. Mais je dis: N’ont-ils pas entendu? Au contraire! Leur voix est allée par toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde. » Romains 10 : 15-18
L’abomination de la désolation
« C’est pourquoi, lorsque vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie en lieu saint » (verset 15)
L’abomination de la désolation est la profanation du Temple. On peut estimer que la tentative de Caligula pour faire installer sa statue dans le Temple de Jérusalem en est un signe précurseur. Cette tentative n’a cependant pas abouti et Dieu accorda un délai de repentance supplémentaire au peuple.
Une profanation eut cependant lieu quelques mois avant la destruction du Temple, lorsque la guerre faisait déjà rage. Les Judéens combattaient les Romains, mais en même temps se combattaient entre eux dans une guerre fratricide. A Jérusalem, il y avait deux camps principaux. Les modérés, partisans d’Anan le grand prêtre, et les extrémistes, les Zélotes. Ces derniers avaient établi leur quartier général au sein même du Temple. A cause de cela, l’édifice sacré était profané et souillé par le sang humain.
L’avènement de l’Eglise et le retour du Fils de l’Homme
« Aussitôt après ces jours de détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. Instruisez-vous par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous connaissez que l’été est proche. De même, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, à la porte. »
Le Soleil, la Lune et les étoiles symbolisent Israël.
« Il eut encore un autre songe, et il le raconta à ses frères. Il dit: J’ai eu encore un songe! Et voici, le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi. Il le raconta à son père et à ses frères. Son père le réprimanda, et lui dit: Que signifie ce songe que tu as eu? Faut-il que nous venions, moi, ta mère et tes frères, nous prosterner en terre devant toi? Ses frères eurent de l’envie contre lui, mais son père garda le souvenir de ces choses. » Genèse 37 : 9-11
Cette prophétie parle de la mise de côté de l’Israël selon la chaire (le peuple hébreu) et de l’avènement de l’Eglise. La venue du Fils de l’homme n’est pas le retour physique de Jésus mais le dévoilement de l’homme nouveau, le Christ corporatif, c’est à dire l’Eglise. Rappelons nous d’ailleurs la parole de Jésus :
« Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. » (Matthieu 10 : 23)
Les élus sont rassemblés car les barrières ethniques sont définitivement brisées :
« C’est pourquoi, vous autrefois païens dans la chair, appelés incirconcis par ceux qu’on appelle circoncis et qui le sont en la chair par la main de l’homme, souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. Mais maintenant, en Jésus Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de Christ. Car il est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation, l’inimitié, ayant anéanti par sa chair la loi des ordonnances dans ses prescriptions, afin de créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau, en établissant la paix, et de les réconcilier, l’un et l’autre en un seul corps, avec Dieu par la croix, en détruisant par elle l’inimitié. » Ephésiens 2 : 11-16
« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus Christ. » Galates 3 : 28
Conclusion
Le texte de Matthieu 24 est un passage clef pour l’étude de la fin des temps. Beaucoup de chrétiens se basent sur ce texte pour justifier leur attente d’une fin du monde catastrophique. Il me semble pourtant que c’est un des plus grands contresens que l’on puisse faire.
Certes le langage hyperbolique employé par Jésus peut nous dérouter. Toutefois, les éléments que j’ai relevés dans la première partie de l’article montrent sans ambiguïté que ce discours était destiné aux contemporains de Jésus.
Les chrétiens ont souvent tendance à séparer la destruction du Temple, la fin du monde et l’avènement du Fils de l’Homme. Dans la bouche des disciples, il s’agit pourtant d’une seule et même question, ce qui montre bien que, pour eux, ces trois évènements sont liés.
En réalité, je pense que la destruction du Temple marque justement la « fin du monde » et « l’avènement du Fils de l’Homme », c’est-à-dire la fin de l’Ancienne Alliance et l’avènement de l’Eglise.
A partir de cette date, l’histoire humaine entre dans une nouvelle phase. Christ a un nouveau corps, l’Eglise, par lequel il agit sur Terre. Quant à Jésus, qui est la tête, il ne reviendra physiquement sur Terre qu’une fois la mission de l’Eglise achevée.
Articles liés
Sommaire de la série :
Les chrétiens et la fin du monde
Article précédent :
Daniel 8 et 11 : les guerres helléniques
Article suivant :
Apocalypse 17 et 18 : La grande prostituée et la Bête (1re partie)