Petit traité de la Sainte Cène (Jean Calvin)

Je continue ma présentation des œuvres de Calvin avec son Petite traité de la Sainte Cène. Comme son nom l’indique cet ouvrage a pour but de présenter sa doctrine de l’Eucharistie.

Il a abordé cette question en plusieurs endroits, notamment dans son Institution, l’avantage de ce traité étant sa taille, plus modeste, qui permet une large diffusion.

Contexte historique

Ce traité a été rédigé entre 1538 et 1540, alors que Jean Calvin était à Strasbourg après avoir été chassé de Genève. Depuis 1524, la ville de Strasbourg est passée à la Réforme, grâce à l’action d’un ancien dominicain, Martin Bucer (1491-1551), qui a considérablement influencé Calvin sur la question de la Cène.

Lors du colloque protestant de Marbourg en octobre 1529 c’est justement ce problème théologique qui a divisé les principaux Réformateurs. Si tous étaient d’accord pour rejeter le caractère propitiatoire de l’Eucharistie, ils se divisaient sur le mode présence du Christ. Luther comprenait la présence du Christ de la même manière que l’Église catholique romaine, c’est-à-dire comme une présence physique dans les espèces (pain et vin) après la consécration. La seule différence étant que pour lui, contrairement au magistère romain, la substance des éléments (pain et vin) ne disparait pas. On parle donc de consubstantiation.

A l’opposé, Zwingli considérait que le pain et le vin n’étaient que des symboles et qu’il n’y avait pas de présence réelle du Christ dans ces éléments. Entre ces deux positions extrêmes, Martin Bucer a développé la doctrine d’une présence réelle spirituelle. C’est cette dernière position qui est défendue par Calvin dans ce traité.

Plan du traité

Celui-ci est divisé en cinq parties, clairement annoncées par Calvin au début du traité :

« Afin de bien éviter toute difficulté, il est expédient de noter l’ordre que j’ai délibéré de suivre.

Premièrement donc, nous exposerons à quelle fin et pour quelle raison le Seigneur a institué ce saint Sacrement.

Secondement, quel fruit et quelle utilité nous en recevons. Où il sera pareillement expliqué comment le corps de Jésus-Christ nous y est donné.

Troisièmement, quel en est l’usage légitime.

Quatrièmement, nous verrons de quelles erreurs et superstitions il a été contaminé. Où il sera montré quel différend doivent avoir les serviteurs de Dieu avec les papistes.

Enfin, nous dirons quelle a été la source de la controverse qui a été si aigrement débattue, même parmi ceux qui, de notre temps, ont remis l’Évangile en lumière, et se sont employés à droitement édifier l’Église dans la saine doctrine. » (1)

La présence du Christ lors de la Cène

Pour terminer, je vous propose un autre extrait dans lequel Calvin expose de manière concise, mais précise, sa conception de la présence du Christ lors de la Cène :

« Ainsi en est-il de la communion que nous avons au corps et au sang du Seigneur Jésus. C’est un mystère spirituel qui ne peut se voir à l’œil, ni être compris par l’entendement humain : il nous est donc figuré par des signes visibles, selon que notre faiblesse le requiert, néanmoins de telle sorte que ce n’est pas une simple figure, mais une figure conjointe avec sa vérité et sa substance. C’est donc à bon droit que le pain est nommé « corps », puisque non seulement il nous le représente, mais aussi nous le présente. Aussi considérons-nous bien que le nom du corps de Jésus-Christ est transféré au pain, puisqu’il en est le Sacrement et la figure.

Mais nous ajouterons pareillement, que les Sacrements du Seigneur ne doivent ni ne peuvent d’aucune manière être séparés de leur vérité et substance. Les distinguer afin qu’on ne les confonde pas, cela est non seulement bon et raisonnable, mais absolument nécessaire. Mais il serait illégitime de les séparer pour constituer l’un sans l’autre. Quand donc nous voyons le signe visible, il nous faut regarder ce qu’il représente et de qui il nous est donné. Le pain nous est donné pour nous figurer le corps de Jésus-Christ, avec le commandement de le manger. Et il nous est donné de Dieu, qui est la vérité certaine et immuable. Si Dieu ne peut tromper ni mentir, il s’ensuit qu’il accomplit tout ce qu’il signifie.

Il faut donc que nous recevions vraiment en la Cène le corps et le sang de Jésus-Christ, puisque le Seigneur nous y représente la communion à l’un et à l’autre. Car, autrement, qu’est-ce que cela voudrait dire, que nous mangeons le pain et le buvons le vin en signe que sa chair nous est nourriture et son sang breuvage, s’il ne nous donnait que le pain et le vin, laissant la vérité spirituelle derrière ? Ne serait-ce pas à fausses enseignes qu’il aurait institué ce mystère ? Nous avons donc à confesser que si la représentation que Dieu nous fait en la Cène est véritable, la substance intérieure du Sacrement est conjointe aux signes visibles : de même que le pain nous est distribué dans la main, de même le corps de Christ nous est communiqué, afin que nous en soyons faits participants.

Quand bien même il n’y aurait rien d’autre, nous avons ample matière de nous contenter quand nous entendons que Jésus-Christ nous donne, dans la Cène, la propre substance de son corps et de son sang, afin que nous le possédions pleinement et, le possédant, ayant part à tous ses biens. Car, puisque nous l’avons, toutes les richesses de Dieu, qui sont comprises en lui, nous sont présentées pour qu’elles soient nôtres. » (2)

Conclusion

Dans cet article, je me suis contenté d’une présentation historique de ce traité. J’aurai cependant l’occasion d’aborder le versant théologique de la question dans d’autres articles.

Bibliographie

Jean Calvin, Petit traité de la Sainte Cène. (Adaptation moderne : Harald Chatelain et Pierre Marcel). Paris, Les Bergers et les Mages, 1997.

Notes

(1) Jean Calvin, Petit traité de la Sainte Cène, p. 37-38.

(2) Jean Calvin, Petit traité de la Sainte Cène, p.47-47

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A propos David Vincent 300 Articles
Né en 1993, David Vincent est chrétien évangélique et doctorant en sciences religieuses à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (#GSRL). Ses recherches portent sur l’histoire de la théologie chrétienne et de l’exégèse biblique, les rapports entre théologie et savoirs profanes, et l’historiographie confessionnelle. Il est membre de l’association Science&Foi et partage ses travaux sur son blog et sa chaîne Youtube.