Aujourd’hui, je viens de passer l’examen final du cours intensif de grec biblique que j’ai suivi pendant un mois. Et, je me suis dit que c’était une bonne occasion de partager quelques réflexions sur l’utilité d’apprendre le grec koinè.
La plage ou la classe ?
Alors que certains étaient encore en train de bronzer sur la plage, j’ai repris, dès le 22 août, le chemin de l’école pour étudier le grec biblique à raison de 5h par jour (de 9h à 15h). Pourquoi ai-je donc préféré la salle de classe à la plage ?
Une première réponse évidente, pour ceux qui me connaissent, c’est que bronzer sur une plage n’a jamais été mon activité favorite. Toutefois, étudier le grec n’est pas un simple choix par dépit, mais est le résultat d’une vraie réflexion personnelle.
Le grec koinè
Le grec koinè, qui veut dire « commun », est le nom que l’on donne au grec qui était en usage à l’époque de Jésus. Globalement, cette langue a été parlée depuis les conquêtes d’Alexandre (4esiècle avant Jésus-Christ) jusqu’à la fin de l’Antiquité tardive (5e-6esiècle après Jésus-Christ). C’était en quelque sorte « l’anglais » de l’époque. De nombreux ouvrages essentiels pour l’histoire de l’humanité ont donc été rédigés dans cette langue, à commencer par le Nouveau Testament.
Lire le Nouveau Testament dans sa langue d’origine
Ma première motivation, pour apprendre le grec koinè, est justement de pouvoir lire le Nouveau Testament en langue originale.
Pendant longtemps, les chrétiens n’ont eu qu’un accès très limité à la Bible. Les livres coûtaient chers et le peuple était largement illettré. A l’époque moderne, grâce aux progrès techniques et à la Réforme, la Bible a pu être largement diffusée et aujourd’hui chacun, au moins dans les pays occidentaux, peut y avoir accès très facilement, que ce soit sous forme papier ou en ligne.
Toutefois, ce n’est pour moi qu’une première étape. En effet, la plupart des chrétiens n’y ont accès qu’en traduction, et si cela est déjà extrêmement utile pour saisir l’essentiel du message, il me semble qu’une deuxième étape, une nouvelle Réforme, doit pousser les chrétiens à aller plus loin et à accéder directement au texte biblique dans sa langue d’origine.
Bienfaits et limites des traductions
En effet, même si le christianisme n’est pas « une religion de Livre », et c’est un point extrêmement important pour moi, les Écritures occupent néanmoins une place centrale pour la foi chrétienne et il est important de les étudier pour apprendre à connaître Dieu.
Or, sans tomber dans des excès et prétendre qu’il y aurait des secrets cachés à lire la Bible en hébreu et en grec, il faut bien reconnaître qu’une traduction ne peut jamais rendre parfaitement le sens d’un texte. Elle constitue toujours une interprétation, voire une adaptation, de ce texte. C’est pour cela qu’il est avantageux de ne pas se contenter d’une traduction, mais d’en choisir au moins trois ou quatre. Et si on maîtrise plusieurs langues, le français et l’anglais par exemple, il est encore mieux de les prendre dans des langues différentes.
Toutefois, malgré cela on ne pourra jamais rendre parfaitement la « saveur originale » du texte. En particulier, on ne pourra pas saisir les nuances de langue entre les différents auteurs et certaines connexions intertextuelles nous échapperons.
Un exemple tout simple est le terme de « Christ ». Lorsque dans nos Bibles françaises, nous lisons le terme de «Christ», nous pensons directement à Jésus, car c’est en général seulement dans ce contexte que le traducteur français a choisi d’employer le mot « Christ ». Toutefois, en grec, ce terme, qui correspond à l’hébreu « machiah », veut dire « oint » et on le voit donc apparaître dans de très nombreux passages et ce, dès l’Ancien Testament, ce qui contribue à apporter un éclairage nouveau sur tous ces textes.
La Septante et les Pères
Par ailleurs, il faut bien avoir conscience que le sens d’un mot ne se trouve pas automatiquement en ouvrant un dictionnaire. C’est un bon début, mais ce n’est pas suffisant. De plus, il n’y a jamais une équivalence parfaite entre tous les mots d’une langue à l’autre. Le meilleur moyen de comprendre les termes est donc de regarder leur utilisation à une époque donnée, le sens pouvant évoluer au cours de l’histoire.
Les auteurs du Nouveau Testament, qui devaient traduire des termes sémitiques, venant de l’araméen ou de l’hébreu, n’ont pas tout inventé mais se sont au contraire servis de ce qui existait déjà à cette époque, et notamment du travail effectué par les traducteurs de la Septante, qui ont traduit la Bible de l’hébreu, ou de l’araméen, vers le grec. C’est pour cette raison qu’il est extrêmement important d’étudier la Septante pour mieux comprendre le vocabulaire du Nouveau testament.
La culture classique
Enfin, au-delà de l’aspect biblique, je pense que le grec koinè ouvre aussi l’accès à de nombreux auteurs classiques dont l’étude peut être utile à des personnes de toutes convictions. Cette langue a en effet dominé le bassin méditerranéen pendant presque sept siècles et lire le grec koinè permet d’accéder à de nombreux auteurs, d’Aristote à Jean Chrysostome, en passant par Flavius Josèphe, Philon d’Alexandrie et bien d’autres.
Or, lire les ouvrages du passé n’est pas du temps de perdu. Souvenons-nous de cette sentence médiévale : « Nous sommes des nains sur les épaules de géants. ». Si nous voulons avancer et voir plus loin que nos prédécesseurs, il ne faut pas négliger le travail qu’ils ont effectué.
Conclusion
En conclusion, je ne peux qu’encourager les personnes de toutes convictions, mais les chrétiens en particulier, à se mettre à l’étude des langues anciennes, et notamment du grec koinè.
Même si cela peut paraitre actuellement un peu utopique, je suis convaincu qu’une prochaine Réforme doit nécessairement passer par un accès plus large au texte biblique dans sa langue d’origine. Cet accès ne doit plus être réservé à une minorité, qui d’ailleurs le maîtrise parfois assez mal, mais concerner directement le peuple de Dieu dans son ensemble.
Évidemment, un tel changement ne se fera pas du jour au lendemain, mais c’est pour cela qu’il me parait nécessaire d’enclencher ce processus le plus tôt possible et je termine cet article en me permettant de rêver d’écoles du dimanche qui formeraient les enfants à lire directement la Bible en grec.
Je consacrerai un autre article à l’hébreu, dont je commencerai l’apprentissage en octobre.
Version vidéo
Articles liés
Si vous avez un commentaire ou une question, vous pouvez me contacter.
Si vous appréciez le travail, vous pouvez contribuer au financement participatif de Didascale sous forme d’un micro-don mensuel.